Allô Bruxelles? Le message inaudible de la Suisse
ÉDITORIAL. La Suisse refuse la réexportation d’armes vers l’Ukraine mais cherche en même temps à intensifier sa collaboration avec l’OTAN et l’UE en matière de défense. Un message difficile à faire passer à Bruxelles

Dire qu’à Bruxelles la Suisse existe plus que jamais n’est paradoxalement pas forcément une bonne nouvelle. Ces temps, elle fait beaucoup parler d’elle. Et pas toujours en bien. Sur le plan bilatéral, d’abord. Le dossier des tortueuses relations avec l’UE avance péniblement. Le psychodrame du 26 mai 2021, jour où le Conseil fédéral a unilatéralement décidé d’enterrer l’accord-cadre, a laissé des traces profondes. Et reconstruire la confiance n’est pas une mince affaire.
A cela s’ajoute la question de la non-réexportation du matériel militaire. La guerre en Ukraine a mis en exergue l’ambiguïté de la Suisse: elle applique les sanctions contre Moscou, mais refuse d’autoriser la réexportation d’armes vers Kiev. A Bruxelles, incompréhension et critiques se multiplient. La Suisse est traitée d'«hypocrite», d'«égoïste». Pire, de faire le jeu de Moscou. Ajoutez à cela les propos maladroits du président de la Confédération parlant de «frénésie guerrière» et la décision de l’armée suisse de jeter une soixantaine de batteries de missiles Rapier jugées obsolètes, et la colère monte d’un cran.
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Or c’est précisément le moment où la ministre de la Défense Viola Amherd vient porter un message à Bruxelles: la Suisse veut intensifier sa collaboration avec l’OTAN et notamment améliorer l’interopérabilité des forces armées suisses. La guerre de l’Ukraine pourrait même faire tomber un tabou. Pour autant que l’OTAN l’accepte, la Suisse pourrait se rêver à participer à des exercices de défense collective, liés au fameux article 5. Voilà qui représenterait un changement de paradigme majeur. Une petite révolution.
Améliorer la coopération avec l’OTAN – sans pour autant choisir la voie de l’adhésion comme la Finlande et la Suède – a bien sûr du sens. Mais le message de la Suisse reste extraordinairement trouble. La fable du «petit pays neutre producteur d’armes qui profite des capacités de défense des pays voisins sans rien proposer en échange» n’est surtout, dans le contexte actuel, plus audible.
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A Bruxelles, la vision rigoriste de la neutralité dans laquelle se drape la Suisse – quand ça l’arrange! – passe mal. La nouvelle réalité géopolitique a poussé des pays à revoir leur positionnement. La Suisse, elle, s’illustre par son manque de courage. La patience des Européens pourrait atteindre ses limites.
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