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A Annecy, un cauchemar qui rappelle à la France ses pires traumatismes

ÉDITORIAL. Le souvenir d’années de terrorisme est profondément ancré. La rapidité et l’irrationalité de certaines réactions révèlent la vivacité d’émotions qui ont redéfini le paysage idéologique français

Annecy, ce jeudi. — © JEAN-CHRISTOPHE BOTT / keystone-sda.ch
Annecy, ce jeudi. — © JEAN-CHRISTOPHE BOTT / keystone-sda.ch

Sonnée par l’effroi, la France pouvait avoir l’impression de revivre un vieux cauchemar ce jeudi matin à Annecy. Ce sont des mois de mauvais souvenirs qui sont remontés d’un coup, ceux des multiples attaques terroristes qui ont marqué les années 2015-2020. La monstruosité des actes, leur aspect spectaculaire, l’absence totale de respect pour la vie humaine, même celle d’enfants en très bas âge, toute cette mise en scène digne de films d’horreur n’est pas sans rappeler le massacre du Bataclan, celui de la promenade des Anglais à Nice ou la décapitation du prof d’histoire-géo Samuel Paty. Des drames inqualifiables qui habitent désormais profondément l’inconscient des Français.

«La Nation est sous le choc», a réagi Emmanuel Macron, résumant bien la stupeur face à la violence inimaginable que révélaient les faits. Mais force est de constater que «la Nation» a aussi besoin d’explications, de coupables, de mesures. «On doit pouvoir faire quelque chose pour ne pas avoir à revivre le sommet de l’abomination», semblent se dire les Français.

Résultat: la machine à récupération n’a pas attendu. La politique migratoire, les réglementations européennes, l’agenda parlementaire, les dispositifs de sécurité… tout y est passé quelques minutes à peine après le drame. Et ce même si la procureure chargée du dossier ne voit pour l’instant «aucun mobile terroriste apparent» derrière le geste de ce réfugié syrien qui semble vivre légalement sur le territoire européen depuis dix ans. L’assaillant se présentait par ailleurs comme un «chrétien de Syrie» agissant «au nom de Jésus». Des informations qui devraient imposer un délai de réflexion avant de tirer des conclusions et d’exiger des réformes. Ce qu’une partie de l’échiquier politique français n’a pas fait. Bien au contraire.

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On le voit, le traumatisme d’années de terrorisme islamiste en France est profondément ancré. Et la violence des débats que ces attentats ont provoquée au fil du temps a eu une telle influence sur le paysage idéologique français que, même après deux ans d’apaisement, la rapidité et l’irrationalité de certaines réactions révèlent, outre l’inflammabilité du paysage politique actuel, la vivacité d’émotions qui sont toujours là, toujours aussi fortes. Au risque d’envenimer la situation.


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