Les banques centrales face au difficile sevrage des marchés
editorial
On a pu voir ces dernières années à quel point les marchés ont été portés par les interventions des grands argentiers. Se passer des injections de liquidité ne sera pas évident
Les propos n’auront pas été fracassants. Mais le témoignage de Ben Bernanke devant le Congrès, mercredi et jeudi, illustre à quel point sortir des politiques monétaires exceptionnelles décidées après la crise sera une tâche difficile pour les banques centrales.
Mi-juin, le patron de la Réserve fédérale américaine (Fed) envisageait de freiner – un jour – son soutien à l’économie. Le seul fait qu’il dise à haute voix cette vérité que tout le monde connaît a suffi à faire trembler les marchés. Cette semaine, soulagement. Cela pourrait arriver, mais l’inverse pourrait aussi se produire: si l’économie devait rechuter, la banque centrale se précipiterait à son chevet, a précisé le grand argentier.
La limite que la Fed s’est fixée pour freiner ses injections de liquidités n’est pas atteinte. Le taux de chômage doit descendre au moins jusqu’à 7%. Il était encore de 7,6% en juin. Et l’inflation, dont la flambée pourrait remettre en question ces mesures, ne pointe pas à l’horizon.
Pourtant, alors que l’Europe peine à sortir de la récession, l’économie américaine, dont le produit intérieur brut a grimpé de 1,8% au premier trimestre, va mieux. Sans doute en partie grâce au soutien de la banque centrale, dont les mesures se propagent mieux à l’économie réelle qu’en Europe.
La sortie de ces plans de relance et, surtout, son rythme pour ne pas étouffer la reprise seront donc délicates. Il n’existe pas de guide pratique. La Fed a fixé ses conditions. Si elle juge alors que l’économie est prête à se passer de produits dopants, ce ne sera peut-être pas le cas des marchés. On a pu voir ces dernières années à quel point ils ont été portés par les interventions des grands argentiers. Pour certains analystes, une croissance molle reste le scénario le plus favorable pour les marchés: elle obligerait la Fed à maintenir ses injections de liquidités. A l’inverse, une chute brutale des bourses, paniquées par le retrait de la Fed, ne serait pas sans répercussions sur l’économie. Dans ce contexte, le sevrage ne sera pas forcément facile.
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