Première bonne nouvelle: durant la semaine écoulée, rien n’a filtré dans la presse du changement de stratégie vis-à-vis de la Libye discrètement préparé par les Affaires étrangères. Ce détail n’est pas anecdotique. Affaibli par les fuites à répétition, le Conseil fédéral a su imposer la confidentialité sur le document de travail élaboré par les diplomates. Il a ainsi pu valider hier le nouveau cap en toute sérénité.

En suspendant l’accord passé avec Tripoli par le président Merz, le Conseil fédéral ne fait qu’appliquer le droit international: l’accord n’est pas respecté par la Libye depuis plusieurs jours, il n’est donc plus applicable par la Suisse. Simultanément, le Conseil fédéral délivre surtout un message à usage interne. Il dit aux Suisses qu’il ne se laisse plus ridiculiser par un Etat cynique et imprévisible. C’est le minimum attendu des autorités suisses. Cela a pris trop de temps, mais au moins le pas est-il franchi: deuxième bonne nouvelle!

Associé aux restrictions que Berne a commencé à imposer à la délivrance de visas aux Libyens, le gel de l’accord exprime une réévaluation des priorités de la Suisse. Les otages ne sont plus placés au tout premier plan. Le but n’est plus leur libération à n’importe quel prix et dans les plus brefs délais. Bien sûr, il ne s’agit pas d’oublier ni d’abandonner les deux hommes d’affaires à leur funeste sort. Mais il était devenu impératif de replacer au cœur de la stratégie helvétique l’honneur de la Suisse, la crédibilité et la dignité de ses institutions.

Le Conseil fédéral reconnaît ainsi que le dénouement n’est pas mûr. Il faudra du temps, beaucoup de temps pour renouer un dialogue constructif avec Tripoli. En attendant, moins le Conseil fédéral s’exprimera publiquement sur les deux otages, moins ceux-ci seront utiles à leurs ravisseurs. Cela n’empêche absolument pas une médiatisation de leur drame par leurs proches et ceux qui les soutiennent. Ni une médiatisation internationale des images des souffrances infligées par le couple Kadhafi à leurs deux domestiques. Le leader libyen et son clan n’ont aucun intérêt à une campagne salissant leur image.