La Suisse et l’Union européenne (UE) continuent à jouer au chat et à la souris. On aurait pu s’attendre à une détente des relations, après que le Parlement a adopté une mise en œuvre eurocompatible de l’initiative «contre l’immigration de masse» en décembre dernier. Il n’en est rien. Une quinzaine de dossiers restent bloqués. Et surtout, un objet de tension prend une place de plus en plus importante entre les deux partenaires. La contribution helvétique à l’élargissement de l’UE – un milliard de francs alloué pendant dix ans aux pays de l’Est – sera asséchée cette année. La Commission européenne dit désormais qu’elle ne développera pas les relations bilatérales si, entre autres, la Suisse ne renouvelle pas cet effort de cohésion. La Confédération rétorque qu’elle passera à la caisse uniquement si l’UE fait preuve de bonne volonté envers elle. Un nouveau bras de fer est donc engagé sur le ton un brin navrant de «c’est celui qui dit qui y est».

Lire aussi: Un milliard qui crispe la relation Suisse-UE

Le contexte actuel est pour beaucoup dans ce regain de tensions. Dans une Europe post-Brexit, dans l’attente d’élections présidentielles en France et en Allemagne remplies d’incertitudes pour l’UE, la Commission européenne veut se montrer intransigeante. En plus, elle a mal vécu le refus de dimanche dernier de la troisième réforme de l’imposition des entreprises par les citoyens suisses. Comme si décidément ses partenaires helvétiques, qui ont promis de supprimer les privilèges fiscaux des entreprises, n’étaient pas fiables.

De son côté, le Conseil fédéral tente de garder dans sa manche l’un des atouts qui lui restent pour convaincre, si ce n’est la Commission, au moins les Etats membres de l’Union européenne, de débloquer les dossiers suisses. A nos voisins, il rappelle régulièrement que 300’000 frontaliers trouvent du travail à l’intérieur de nos frontières. Vis-à-vis des pays de l’Est, il joue la carte de l’effort helvétique fait à travers le milliard de cohésion et les programmes de coopération qui en dépendent.

Dommage que la Commission européenne ne fasse pas preuve de davantage de compréhension sur ce point. Il faut rappeler que l’enveloppe financière allouée par la Suisse aux pays de l’Est ces dix dernières années a été approuvée par le peuple en 2006. C’était alors un acte fort de la part du souverain, qui admettait l’idée que l’accès au marché unique européen avait aussi un pendant en termes de solidarité.

En durcissant le bras de fer sur cette contribution, la Commission de Jean-Claude Juncker touche une part d’autonomie de la Suisse. Elle témoigne aussi d’une grande méconnaissance du terrain politique. Les partisans des accords bilatéraux et de leur développement s’accrochent aujourd’hui à la bonne volonté de l’Union européenne pour convaincre. Bruxelles, au contraire, en ne poursuivant que son propre agenda, renforce le camp des eurosceptiques.

Le Temps publie des chroniques et des tribunes – ces dernières sont proposées à des personnalités ou sollicitées par elles. Qu’elles soient écrites par des membres de sa rédaction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extérieures, ces opinions reflètent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne représentent nullement la position du titre.