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Ça n'arrive pas qu'aux autres

Le drame qui a fauché Marie Trintignant nous bouleverse. On se bouscule

Le drame qui a fauché Marie Trintignant nous bouleverse. On se bouscule sur les forums en ligne pour dire la tristesse, la compassion, mais aussi la révolte et la colère contre l'auteur du malheur, Bertrand Cantat. Et les questions se bousculent. Ce dernier et son groupe sont-ils toujours dignes de figurer dans nos collections de CD, de voir leur musique diffusée par les radios? La violence qui s'est déchaînée sur l'actrice trouve-t-elle une partie de sa source dans la rage qui a fait le succès de Noir Désir?

Seule l'enquête permettra de définir les limites de la responsabilité du chanteur. Mais quelle que soit la part respective qu'y aient prise les coups et la malchance, une chose est sûre: le décès de la comédienne vient allonger la liste des femmes mortes de la main de leur compagnon, des victimes ultimes de la violence conjugale. Une liste déjà longue: en Espagne, où une loi vient d'être adoptée pour tenter d'y parer, elle a tué davantage récemment que l'ETA et, en Suisse, les chiffres accusent une progression constante.

Les drames moins médiatisés qui, jour après jour, terrorisent, estropient ou tuent ressemblent à celui de la comédienne. On y retrouve souvent l'alcool et/ou la drogue, le huis clos qui favorise les débordements, et après coup, les regrets d'un tabasseur ou d'un meurtrier qui n'avait «pas voulu ça».

Longtemps, ils ont été considérés, du moins quand ils ne débouchaient pas sur l'irréparable, comme un accident de la vie privée des couples, dont l'autorité n'avait pas à se mêler. Le vent tourne, lentement. La Suisse pourrait faire partie demain des Etats qui poursuivent d'office les violences commises au sein du foyer, mais seuls deux cantons obligent le partenaire violent à quitter le domicile commun. L'exemple tragique de Marie Trintignant, dont le sort n'a jamais dépendu de l'accès à un foyer d'accueil, est là pour nous montrer que de telles mesures ne résoudront jamais qu'une partie du problème. Mais elles ont un mérite décisif: affirmer haut et clair que la violence conjugale est inadmissible et que la combattre est l'affaire de la société tout entière.