Casser le huis clos des affrontements
Dans la crise thaïlandaise, le gouvernement et ses opposants semblent incapables de sortir de l’ornière. Une médiation extérieure est nécessaire
La Thaïlande n’est plus aujourd’hui le pays du sourire. Le spectacle des violences au cœur de Bangkok, dans un pays asiatique émergent réputé pour avoir, au cours de son histoire, toujours forgé des compromis, vaut tous les commentaires.
Rien, bien sûr, n’a changé dans l’ex-Royaume de Siam, où la population reste profondément bienveillante envers les étrangers et les touristes. Mais cette vitrine qu’est Bangkok s’est brisée avec le face-à-face armé, en son centre névralgique, entre soldats et protestataires. L’apaisement éphémère constaté dimanche, obtenu au bout des fusils et après des dizaines de morts, aura bien du mal à dissiper l’incapacité de l’actuel gouvernement et de ses plus irréductibles opposants à trouver, après deux mois de manifestations et de provocations, une issue pacifique digne d’un Etat de droit moderne.
Même si, à court terme, une sortie de crise négociée devait se dessiner, force est de constater que l’alchimie historique positive de ce royaume jamais colonisé, ouvert sur l’extérieur, et dominé par un bouddhisme pacifique, a cette fois buté pour le pire sur l’intransigeance des forces en présence et de leurs leaders. A l’ombre d’un vieux monarque, Bhumibol Adulyadej (82 ans, monté sur le trône en… juin 1946), affaibli par la maladie, par les divisions de son entourage et par son inéluctable fin de règne.
La suite s’écrit maintenant. Or la communauté internationale, Suisse comprise, ne doit surtout pas s’en désintéresser. Aussi brocardée soit-elle, notamment en raison du tourisme sexuel, la Thaïlande est un maillon clef, en Asie du Sud-Est, pour la démocratisation, la prospérité et l’équilibre régionaux.
L’avantage de Bangkok, toutefois, est d’être l’une des villes les plus mondialisées de la planète et d’avoir un solide réseau d’amis. Sans parler de la Confédération, presque considérée par le souverain comme son pays d’adoption puisqu’il y vécut entre 1933 et 1950. Une médiation de l’ONU est déjà à l’étude. Mais elle ne suffira pas. D’autres relais doivent être d’urgence activés. Des voix siamoises autres que celles des politiques, des généraux ou des activistes doivent s’exprimer. Pour casser le huis clos des affrontements et éviter que cet engrenage thaïlandais n’accouche de plus de fractures encore, d’incertitudes et d’instabilité.