Le cauchemar sans fin des Britanniques
ÉDITORIAL. Mesures fiscales irréfléchies, manque de collégialité, silences gênants: les premiers jours de Liz Truss à Downing Street sont catastrophiques, alors que les conservateurs espéraient redorer leur blason après Boris Johnson. Tout le pays se sent en péril

Elle se voyait en nouvelle Margaret Thatcher, mais Liz Truss pourrait bien être la fossoyeuse des espoirs conservateurs aux élections de 2025. Il ne s’est pas écoulé un mois depuis son entrée au fameux 10, Downing Street que la Britannique échoue déjà sur LE projet attendu par tous ses compatriotes: celui du redressement économique de la Grande-Bretagne, durement frappée par la crise du covid puis par une inflation de 10%.
La voici qui renonce à la suppression du taux d’imposition entre 45 et 40% pour les ménages les plus riches, dix jours après l’avoir annoncée et avoir construit tout son argumentaire autour de la politique de l’offre et des suppressions d’impôts pour relancer la croissance. Elle n’avait plus le choix: en une semaine, la livre a atteint un plancher historique face au dollar, déclenchant une intervention de la Banque d’Angleterre sur les marchés tandis que le FMI demandait à Londres de revoir ses mesures par crainte qu’elles n’augmentent les inégalités.
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Un chancelier jeté «sous un bus»
Au désespoir de son parti, Liz Truss a commis plusieurs erreurs, à commencer par vouloir faire des cadeaux fiscaux alors qu’elle n’en avait pas les moyens, les caisses de l’Etat étant vides. Liz Truss n’a pas non plus écouté les mises en garde. Pire: après avoir joué la carte de la collégialité quand tout allait bien, elle s’est désolidarisée de son ministre des Finances, Kwasi Kwarteng – rebaptisé «Kwasi Kamikaze» par des médias britanniques –, en lui attribuant la paternité de cette mesure. «Il y a un équilibre à trouver, et jeter son chancelier de l’Echiquier sous un bus le premier jour du congrès n’en est pas un», commentait dimanche l’ex-ministre de la Culture Nadine Dorries.
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Les tories s’en relèveront-ils? Selon un récent sondage, les travaillistes ont creusé avec les tories leur plus grand écart depuis les débuts de Tony Blair comme premier ministre en 1997 – jusqu’à 33 points d’avance. Pour tenter d’éviter une déroute électorale, certains conservateurs évoquent une mise à l’écart de Liz Truss avant les législatives début 2025.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement conservateur vient de perdre sa substance idéologique avec l’abandon précipité de cette mesure phare si mal mise en place. Il faudrait «un événement considérable (…) une guerre, peut-être?» pour qu’il remonte la pente, estimait dimanche le très écouté cofondateur de l’institut de sondage JL Partners, James Johnson. En pleine invasion russe de l’Ukraine, c’est dire à quel point la Grande-Bretagne va mal.
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