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Cette année à Jérusalem?

La diplomatie permet-elle de découper l'éternité en tranches? Enfermés

La diplomatie permet-elle de découper l'éternité en tranches? Enfermés dans leur luxueux réduit américain de Camp David, c'est à cela que s'attellent Ehud Barak et Yasser Arafat avec la complicité défaillante de Bill Clinton. Aucune ville, sans doute, n'est chargée d'un poids historique et d'une puissance évocatrice si extraordinaire que Jérusalem, ce «nombril du monde» qui menace aujourd'hui d'engloutir corps et biens négociations et négociateurs.

Adversaires farouches, Barak et Arafat partagent en effet une même faiblesse: face à l'énormité d'un enjeu dont ils ne sont tous deux que des dépositaires temporaires et partiels. Qu'est un premier ministre israélien pour se mesurer à une formule rituelle – «l'année prochaine à Jérusalem» – presque constitutive de l'identité juive elle-même? Qui est-il pour mettre en «danger» l'avenir du Mur occidental, le seul lieu saint de la religion hébraïque? Et qui est un président palestinien pour décider du sort de la Mosquée Al-Aqsa et du Dôme du Rocher, ces lieux mythiques de «l'autre» Jérusalem, qui ont servi non seulement d'emblème au combat palestinien, mais aussi tour à tour d'idéal à la religion musulmane et d'étendard à l'ensemble du monde arabe?

En réalité, pour être à même de passer de la légitimité que procurent David, Abraham ou Mahomet à celle de leur simple bonne foi, pour pouvoir se départir des citations sacrées et les transformer en vision politique, les négociateurs doivent disposer d'une autorité sans faille, avant tout dans leur propre camp. Parce qu'il semble trop soucieux d'identifier jusqu'à la fin la cause de la Palestine à la sienne propre, Yasser Arafat ne jouit plus de cette légitimité. Quant à Ehud Barak, il n'en dispose pas davantage: son pays a trop longtemps encouragé les extrémismes pour lui pardonner aujourd'hui tout ce qui pourrait être perçu comme de la faiblesse. Rien ne les empêcherait de conclure tout de même un accord. Mais Jérusalem en a déjà connu beaucoup d'autres, balayés par l'histoire.