Chez les autres, suspense, coup de sac, éjection, désaveu. Chez les Vaudois, la continuité générale. Les peuples heureux n’ont pas d’histoire, semblent nous rappeler les élections cantonales de ce dimanche. Leurs résultats tranchent avec les scrutins dramatiques qu’ont connus récemment certains cantons, sans parler de celui qui est en cours dans le pays voisin. Cinq des six sortants réélus du premier coup. Pour les deux autres, un ballottage favorable à la majorité actuelle, qui dit mieux?

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A défaut de surprise, l’issue du premier tour vaudois n’est pas pour autant dépourvue d’un élément spectaculaire: c’est justement le caractère inoxydable des magistrats qui dirigent ce canton. A commencer par les deux hommes qui se tiennent depuis bientôt quinze ans au coude à coude de la popularité, le PLR Pascal Broulis et le socialiste Pierre-Yves Maillard. Ils vont entamer leur 4e législature sans avoir subi la moindre usure. Les Vaudois en redemandent.

Au-delà de leur personne, c’est la manière de gouverner qu’ils incarnent avec leur équipe qui est plébiscitée. On peut définir ce système par la recherche d’accords donnant-donnant conclus au sommet de l’Etat, avant d’être soumis au parlement et aux partis instamment priés de n’y rien changer. Le dossier de la fiscalité des entreprises a illustré de manière emblématique cette politique. On a pu parler de boîte noire, le système étouffe le débat démocratique et pousse à cacher les problèmes sous le tapis. Mais confirmation est donnée qu’il plaît à la population, qui l’associe au retour à la prospérité après de longues années de crise.

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Pour équilibré qu’il paraisse, ce donnant-donnant est particulièrement favorable à la gauche. Non seulement parce que, pour la première fois dans l’histoire cantonale, deux magistrats socialistes sont élus au premier tour. Mais parce que le système du «compromis dynamique» – c’est le nom quasiment officiel que lui donnent ses acteurs et ses adhérents – débouche sur un renforcement de l’action publique dans toute une série de domaines, comme la politique du logement, ou dans l’extension notable des prestations sociales, non seulement pour les plus démunis mais aussi pour la classe moyenne.

Seule brèche dans cette paix vaudoise: le score du commerçant «Toto» Morand qui, avec près de 9% à lui tout seul, se confirme comme le poil à gratter de la politique vaudoise et traduit le mécontentement de ceux que le système exclut ou exaspère.

Les prochaines élections ne manqueront pas d’être plus animées. D’une part parce que les ministres réélus dimanche pourraient partir en cours de législature, précisément pour éviter trop d’incertitude en cas de retrait groupé dans cinq ans. Mais aussi parce que, dans un contexte économique et politique en cours de durcissement sur le plan suisse, le financement de la politique sociale vaudoise pourrait avoir atteint ses limites.

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