ÉDITORIAL. Economistes, ministres, entrepreneuses ou activistes: les femmes sont partout au Forum économique mondial. Qu’on aime ou pas le rendez-vous, c’est un très bon signe

Il y a une petite dizaine d’années, à l’heure de commenter le rapport annuel de son cabinet sur la représentation féminine dans les étages supérieurs des grandes entreprises suisses, un chasseur de têtes lâchait un commentaire aussi désabusé qu’inquiétant: «Nous ne voyons plus d’évolution au fil des années. Je crains qu’il faille attendre un changement générationnel.» A cette époque, le taux de femmes dans les conseils d’administration des sociétés du SMI stagnait à un peu moins de 15%. Il était encore plus bas pour les fonctions exécutives.
L’expert n’avait pas tout faux. Depuis le début des années 1920, la progression féminine au sein des organes dirigeants s’est accélérée, aidée par une modeste intervention du législateur qui a fixé des quotas de principe. L’an dernier, 34% des fauteuils de conseil d’administration des 20 plus grandes sociétés du pays étaient occupés par une femme, un taux qui descend à 19% dans les comités de direction. La tendance est donc encore très imparfaite et il reste un ultime plafond de verre à faire voler en éclats: prendre les rênes d’un des fleurons de l’économie suisse.
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Malgré tout, le mouvement semble bel et bien lancé. Qui plus est, les prétendantes existent. Certaines d’entre elles étaient bien en vue cette semaine au Forum économique mondial de Davos: la (co) directrice de DSM-Firmenich, Geraldine Matchett, la numéro deux de Novartis, Marie-France Tschudin, ou encore Barbara Frei, directrice d’une division phare de Schneider Electric. Les trois dirigeantes se trouvaient en bonne compagnie: tournez les yeux à droite, vous tomberez sur la très charismatique secrétaire générale de l’Organisation mondiale du commerce, Ngozi Okonjo Iweala; regardez de l’autre côté, vous surprendrez la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen; esquissez quelques pas sur votre gauche et vous buterez contre la présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, une des premières «femmes de Davos».
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Modèles pour de jeunes filles
Mais cette nouvelle garde a bien peu en commun avec ceux qui étaient surnommés les «Davos boys» et qui aimaient tant venir parader dans la station grisonne, sans forcément y contribuer. Elles sont puissantes, au centre, actives. Elles servent surtout de modèles à des milliers de jeunes filles pour qui avoir les mêmes droits qu’un homme dans le monde du travail sonnera comme une évidence.
D’ailleurs, même celles que le rendez-vous alpin horripile ont eu leur icône cette année. Car c’est encore une femme qui a incarné l’opposition au grand raout du «capitalisme des parties prenantes». Elle a parcouru des centaines de kilomètres en train pour venir scander le mal qu’elle pense d’un rendez-vous qui, à ses yeux, perpétue un système dont elle ne veut plus. José Bové, aujourd’hui, c’est Greta Thunberg. Un activisme d’un autre genre.
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