Choisir, c’est renoncer. La Grande-Bretagne a choisi de divorcer de l’Union européenne et pourrait même être démembrée. Le Royaume n’avait plus rien d’Uni à l’annonce des résultats vendredi matin. L’Ecosse a voté à 62% pour rester dans l’UE et envisage déjà un nouveau référendum sur son indépendance. L’Irlande pourrait faire de même et viser à sa réunification sous la bannière étoilée européenne. Le Brexit signifie beaucoup que la sortie de l’Union.

Choisir, c’est décider. La Grande Bretagne qui ne veut plus de l’UE et de ses complications va se retrouver à tracer sa propre voie. Un chemin solitaire alors même qu’une bonne partie de ses succès tient dans le fait qu’elle bénéficiait en plein du marché européen, tout en sachant parfaitement jouer sa propre partition. Réussir seul dans un monde fabriqué de connexions multiples est un pari dangereux. La Suisse qui a négocié des dizaines d’accords bilatéraux pour ne pas rester à l’écart en sait quelque chose. S’arracher de l’UE pour ensuite reconstruire un partenariat forcément complexe? Cela promet d’être plus long et plus coûteux que tout ce que les Britanniques ont connu jusqu’ici.

Choisir, c’est mettre l’autre face à ses responsabilités. L’UE a vécu elle aussi une journée historique ce 23 juin. Non seulement un pays peut décider de faire sécession mais en plus initier une vague de défiance qui pourrait bien ne pas s’arrêter là. Après le Grexit évité de justesse, le Brexit consommé, bientôt le Frexit, le Nexit (aux Pays-Bas) et l’Italxit? L’Union européenne n’a pas de grand récit fédérateur à proposer à ses nombreux membres. Les populistes ont eu cette fois tout l’espace pour raconter une histoire beaucoup plus simple à des citoyens déboussolés. Les leaders du Vieux-Continent doivent proposer un nouveau modèle d’urgence.

Choisir, c’est fâcher. La crise d’identité du Royaume-Uni commence. Là où les habitant sont encore des sujets, la revendication de la souveraineté retrouvée ira de pair avec celle de la citoyenneté. Que Dieu sauve la reine, car la prise de pouvoir du peuple pourrait ne pas s’arrêter là. En colère vont l’être aussi les habitants des grandes villes qui ont voté pour le Remain. Tout comme les jeunes qui voient leur échapper un gigantesque marché du travail ainsi que 27 possibilités de s’installer dans d’autres pays. Le clash des générations semble programmé.

Choisir, c’est devenir acteur. Un peuple ne se trompe jamais dans les urnes. C’est à la machine politique de travailler en amont pour proposer les bons sujets et les personnalités adéquates. Partout, les rouages grippés des partis finissent par casser le moteur démocratique. Les élites sont discréditées. Tories comme le Labour ont parfaitement illustré la crise qui secoue le monde occidental: les deux formations recommandaient de voter contre le Brexit. Mais personne ne croyait que leurs leaders pensaient vraiment ce qu’ils disaient. Une classe de nouveaux dirigeants doit émerger dans toute l’Europe.

Choisir, c’est parfois prendre une mauvaise décision. L’UE est une construction malade dont le plus grand bénéfice a tout de même été jusqu’ici d’éviter une guerre à ses membres. C’est peut-être en dessous des attentes de beaucoup, mais cela reste absolument considérable. Le choix des Anglais obscurcit l’avenir dans cette partie du monde et, en cela, ils sont débiteurs des difficultés à venir en Europe.


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