Il y a d’abord, derrière cette supériorité romande, une logique historique: c’est bien à l’ouest de la Sarine que les Goretta ou Tanner ont construit les grandes heures de la cinématographie helvétique. Plus récemment, les chiffres ont raconté un attachement de la population suisse à son cinéma totalement différent d’un côté et de l’autre de la Sarine: alors que la part de marché des films suisses s’est écroulée en terres alémaniques, elle a, ces quatre dernières années, quadruplé en région francophone. Enfin, l’approche même des cinéastes paraît très divergente: tandis que les Romands embrassent les images et les thématiques sans aucun complexe et de manière brute, la plupart des Alémaniques, à Zurich surtout, multiplient les effets visuels et les mises à distance comme s’ils se méfiaient de ce qu’ils filment.
A l’issue de la cérémonie de samedi, une question, latente depuis longtemps, n’a donc pas tardé à s’imposer: faut-il continuer à soutenir une seule cinématographie, selon le principe d’une répartition deux tiers alémaniques et un tiers romand, alors que ce dernier fait bien davantage que sa part dans la reconstruction du cinéma national? Un pavé dans la mare. Un tabou même, que beaucoup, samedi soir, déconseillaient d’énoncer à haute voix.