Editorial
Face au terrorisme et aux agissements criminels de masse, les forces de sécurité plaident pour des actions préventives ciblées. Ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Mais les esprits changent. Notre éditorial

L’information est parvenue en Suisse romande avec un léger décalage par rapport à la Suisse alémanique, et c’est le 19h30 de la RTS qui s’en est fait l’écho: «le président de la Conférence cantonale des directeurs de justice et police estime qu’il faut muscler la loi pour lutter contre le terrorisme». Et en particulier qu’il faudrait prévoir des mesures d’enfermement préventif pour les individus qui seraient susceptibles de passer à l’acte. Susceptibles, mais susceptibles seulement.
La logique de nos sociétés occidentales n’était pas encore franchement habituée à ce genre de raisonnement qui reste pour beaucoup une atteinte aux libertés fondamentales.
Mais les choses changent. A une vitesse qui n’est que le reflet des traumatismes vécus ces dernières années par tous les pays qui ont été victimes du terrorisme ou d’agissements criminels de masse.
Veut-on un exemple brûlant? La nuit de la Saint-Sylvestre 2017 et le jour qui l’a précédé à Cologne, en Allemagne. On se souvient ce qu’il advint à la Saint-Sylvestre 2016: des agissements criminels en masse aux environs de la gare centrale et du Dôme, imputés pour une écrasante majorité à des personnes originaires du Nord de l’Afrique.
Une année et cette expérience cuisante plus tard, la police de Cologne a donc décidé d’effectuer ce que l’on appelle en termes techniques des interpellations préventives à l’endroit de personnes originaires de cette même partie du monde et qui circulaient aux alentours de cette même gare centrale.
Aussitôt connue la stratégie policière, le clivage idéologique a déployé ses effets: cris d’orfraies en particulier du côté des verts allemands qui hurlent à la discrimination et au délit de faciès. Félicitation à la CDU et la CSU qui jugent la mesure parfaitement appropriée.
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On peut prendre le problème par tous les bouts, il faudra bien s’habituer à voir changer les paradigmes de pensée qui ont guidé nos sociétés ouvertes tant qu’elles n’étaient pas menacées par le choc auquel elles sont confrontées aujourd’hui. Et intégrer que les citoyens occidentaux sont peut-être plus prompts aujourd’hui à privilégier l’ordre et la sécurité face à une conception inconditionnelle de la liberté et de l’égalité.
Cologne, Saint-Sylvestre 2017 nous donne un avant-goût des débats qui nous attendent et vont s’accentuer, partout en Europe et en Suisse. Et ce ne sont pas les échauffourées qu’a connues la gare de Zurich ce 31 décembre et 1er janvier au matin qui contribueront à apaiser, dans notre pays, le débat.
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