Vous aussi, vous cochez la case «compenser mes émissions carbone» et s’envole immédiatement ce léger sentiment de culpabilité lors d’un achat un peu superflu? Le geste est simple et le plus souvent indolore, tant le prix est dérisoire. Quand on a commandé des habits pour quelques dizaines de francs sur Zalando – quitte à rajouter un article encore moins utile pour éviter les frais de livraison –, les 25 centimes supplémentaires pour nettoyer sa conscience passent carrément inaperçus.

C’est précisément ce qu’il faudrait éviter.

Ne nous méprenons pas: les compensations carbone, qui consistent à donner de l’argent pour financer par exemple des projets de capture de CO2, sont un système utile et même indispensable pour le moment. Elles permettent des investissements dans la reforestation, l’agriculture biologique ou autres, qui n’auraient pas été consentis autrement. Lorsqu’il n’y a pas d’autre choix que de polluer, on peut ainsi limiter les dégâts.

Ça ne s’arrête pas là…

Le problème, c’est qu’on devrait s’arrêter là. Or ce n’est pas le cas. C’est même pire: en se généralisant, ce modèle n’incite personne à changer, à éviter ou à réduire son empreinte carbone, ce qui devrait être la priorité. Les entreprises peuvent continuer à générer autant d’émissions tout en se dédouanant sur leurs clients. Alors même que ceux-ci sont, dans la plupart des cas, à peine 10% à choisir cette option. Restent donc neuf achats ou réservations de voyage sur dix dont les émissions s’envoleront dans l’atmosphère et y resteront.

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Et puis, que compense-t-on exactement? Le produit ou seulement son expédition? Et comment? En plantant des arbres, donc en provoquant un effet bien plus tard? Au final, on gomme rarement l’empreinte qu’on a créée en la faisant payer et en temps réel .

Au voyageur de payer pour l’innovation?

Surfant sur la culpabilité du voyageur polluant, certaines compagnies poussent même plus loin la perversité du système en donnant la possibilité de payer, en plus de la compensation carbone, une somme (plus importante) pour financer la recherche sur les carburants durables. Mais est-ce vraiment au voyageur de payer un supplément pour l’innovation? Elle devrait pourtant être une des priorités de toute entreprise qui veut continuer d’exister dans un environnement concurrentiel.

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Je ne sais pas vous… Mais moi, je continuerai certainement de payer pour compenser l’empreinte de mes achats. Après une plongée dans ce système, le geste ne soulagera pourtant plus vraiment ma conscience.


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