Le Conseil fédéral est devenu une cellule de crise
ÉDITORIAL. Après le covid, l’Ukraine, la crise énergétique, le gouvernement a dû gérer dans l’urgence la débâcle de Credit Suisse. Cette fois-ci, il n’y a pas eu de cacophonie. Mais les critiques naissent déjà et une commission d’enquête parlementaire pourrait y répondre

«C’est le nouveau monde, celui où les crises se succèdent», affirmait il y a un an dans Le Temps le sociologue Sandro Cattacin. Ses paroles se sont vérifiées, une nouvelle fois, avec la débâcle de Credit Suisse. Le Conseil fédéral est de nouveau en première ligne, comme pour le covid, la guerre en Ukraine ou la crise énergétique. Cette fois-ci, l’urgence a été mieux gérée. Pas de cacophonie, ni de fuites dues au gouvernement.
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Après Alain Berset, Ignazio Cassis et Guy Parmelin, une nouvelle ministre est sous le feu des projecteurs: Karin Keller-Sutter. A la tête des Finances depuis trois mois, elle se retrouve confrontée au plus grand défi de sa carrière. En participant activement au sauvetage de la place financière suisse, elle a remporté une première manche. Mais rien n’est terminé pour la Saint-Galloise. Un long combat politique démarre. Tout d’abord, son discours sur la rigueur financière deviendra difficilement audible au moment où le Conseil fédéral a libéré des milliards. D’ailleurs, la gauche n’a pas attendu pour réclamer des moyens supplémentaires pour l’accueil extra-familial ou les primes maladie.
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N’oublions pas le contexte très particulier de ce sauvetage: dans sept mois auront lieu les élections fédérales. Credit Suisse est l’invité surprise de cette édition. Les partis se sont précipités sur cette opportunité. Ainsi, l’UDC a opté une nouvelle fois pour la provocation en écrivant que «la crise de Credit Suisse était une conséquence de la mauvaise gestion du Filz [copinage] PLR». Une attaque frontale au moment où son président, Marco Chiesa, appelle à une alliance entre son parti et les libéraux-radicaux. A gauche, les Vert·e·s, en difficulté dans les sondages, peinent à se faire entendre sur ce thème très rapidement récupéré par les socialistes.
Karin Keller-Sutter face aux critiques
C’est dans ce climat que Karin Keller-Sutter devra faire face aux critiques et aux questions des parlementaires lors d’une session extraordinaire des Chambres fédérales. L’un des principaux enjeux sera la création d’une commission d’enquête parlementaire. Certes, c’est une procédure lourde, mais elle permettrait de faire toute la lumière sur le rôle du Conseil fédéral, de la Finma et de la BNS dans cette débâcle historique. Elle serait aussi riche en enseignements pour le futur: la loi sur les banques doit être renforcée, tout comme le poids de l’autorité de surveillance; la responsabilité des dirigeants et leurs bonus méritent aussi d’être débattus. Les propos d’Ueli Maurer, qui en décembre déclarait qu’il fallait laisser la banque tranquille un an ou deux, interpellent également. Un déni ou une manœuvre de diversion?
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A propos de crises, d’autres se profilent pour le gouvernement. Les pressions des pays européens et de l’OTAN augmentent pour que la Confédération accepte la réexportation des armes. Par ailleurs, les Etats-Unis et d’autres puissances occidentales insistent pour que la Suisse participe à la task force sur les avoirs russes à l’étranger. La Suisse a sauvé sa place financière, le Conseil fédéral doit maintenant se préoccuper de ses relations avec ses principaux alliés.
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