Sur les 57 Etats que compte l’espace euro-asiatique qui va de Lisbonne à Vladivostok, l’Ukraine est le 4e pays le plus pauvre, après le Tadjikistan, le Kirghizistan et l’Ouzbékistan, avec un revenu annuel par habitant de 3700 dollars en 2020. C’est moins qu’en Albanie, au Kosovo ou encore en Moldavie. A titre de comparaison, il était de 87 000 dollars en Suisse.

Pourquoi une telle pauvreté alors que le sous-sol ukrainien regorge de minerais de fer et de nickel, sans parler de métaux comme le manganèse, le titane et le palladium? Le pays constitue aussi un grenier céréalier dont on mesure l’importance à présent que la guerre empêche les exportations et provoque une crise alimentaire mondiale.

Prostituées, mères porteuses…

Réponse: à cause de la corruption. Ce fléau qui gangrène chaque strate de la société ukrainienne constitue la source de l’injustice économique et crée une société à deux vitesses. D’un côté, une poignée de riches oligarques miniers ou agricoles; de l’autre, des millions de personnes qui doivent lutter pour leur survie quotidienne.

Malgré tant de richesses – ironie du sort –, c’est le pays européen d'où les jeunes sont les plus nombreux à émigrer, à la recherche de cieux plus cléments. C’est aussi le pays d'où des milliers de jeunes femmes s’exportent dans les filières internationales de la prostitution ou se font mères porteuses pour assurer un revenu.

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Dirigeants nationaux, pays amis et institutions internationales financières, tout le monde est conscient de ces malversations, des pots-de-vin, du trafic d’influence et des abus de pouvoir. Au nom de la géopolitique, notamment pour contrer et isoler la Russie de Vladimir Poutine, tout le monde aussi a fermé les yeux face à cette sordide réalité. Et les bailleurs de fonds ont continué à prêter. Aujourd’hui, la dette ukrainienne atteint environ 130 milliards de dollars.

Désormais, le sujet n’est plus tabou. A l’initiative de la Suisse et de l’Ukraine, la lutte contre la corruption, la mise en place d’un Etat de droit et l’instauration de pratiques de bonne gouvernance font partie intégrante de l’agenda de la conférence sur la reconstruction de l’Ukraine, la semaine prochaine à Lugano. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui a été lui-même élu en 2019 sur une plateforme de lutte contre la corruption, tient là une occasion historique de mettre fin à un système qui a produit tant de pauvreté dans un pays si riche.

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