L’Organisation mondiale de la santé l’a martelé sans cesse depuis l’irruption de la pandémie au début de 2020: «Personne n’est en sécurité tant que tout le monde ne l’est pas.» L’appel est tombé dans l’oreille de sourds. Un an et demi plus tard, au cœur de l’été, où les nouveaux cas de Covid-19 explosent en raison d’un variant Delta hyper-transmissible, le constat est amer: nous avons échoué à dompter la pire pandémie depuis la grippe espagnole de 1918. Plus de quatre millions de morts, peut-être trois fois plus, des secteurs économiques dévastés, des séquelles sanitaires durables. Rien ne dit qu’en 2023 nous aurons retrouvé une vie normale.

Dans un monde aussi interconnecté, où l’on parle d’intelligence artificielle et de missions vers Mars, les raisons de cette terrible défaillance paraissent inexcusables. Il aurait été possible d’enrayer la pandémie plus tôt. Les experts en santé globale ne cessaient de le souligner avant l’émergence du SARS-CoV-2: le monde n’était pas prêt à affronter une pandémie. Des plans pandémiques nationaux n’ont pas ou peu été mis en place. Les scientifiques ont été insuffisamment entendus ou sinon diabolisés. Les premières recommandations de l’OMS de ne pas fermer les frontières, selon un mantra dicté par un Règlement sanitaire international dépassé, ont été dommageables. L’impossible dialogue entre les responsables de la politique, de l’économie et de la santé a fortement entravé une riposte coordonnée. Il était absurde d’opposer de façon manichéenne mesures sanitaires et maintien de l’activité économique.

On a cru que la fabrication en un temps record de vaccins anti-covid allait être la panacée. C’était oublier que seule une solidarité globale en termes d’accès au vaccin allait permettre de vaincre plus rapidement le fléau. Aujourd’hui, si on peut se féliciter de constater que la moitié des adultes européens est vaccinée, seul 1,5% de la population africaine l’est. Ce nouveau fossé Nord-Sud montre qu’on n’a toujours pas saisi la notion de bien commun de l’humanité.

Le populisme irresponsable des Boris Johnson, Jair Bolsonaro ou Narendra Modi, qui ont surfé sur l’instabilité du moment, a sapé les moyens reconnus de lutte contre une pandémie. On aurait aimé qu’ils prônent davantage les libertés fondamentales plutôt que de dénoncer la soi-disant «dictature sanitaire» que représente l’obligation du port du masque ou la vaccination.

Jouet politique entre Washington et Pékin, faible financièrement et institutionnellement, l’OMS a fait ce qu’elle a pu. Mais elle doit impérativement être réformée et renforcée si on veut une gouvernance sanitaire globale digne de ce nom pour éviter de vivre le même cauchemar à l’avenir. En novembre, l’Assemblée mondiale de la santé se penchera sur un possible traité pandémique. Il y a urgence et un espoir: que l’humanité retrouve un minimum de rationalité.