Editorial
Le parlement débat d’un projet de 770 millions pour réduire les coûts des crèches. Dans un pays où des parents attendent parfois des mois avant de trouver une place, c’est un investissement urgent

Mercredi 1er mars, le Conseil national examine un projet visant à accorder 770 millions de francs par an aux structures d’accueil extra-familial des enfants. Manque de places en crèches, pénurie de main-d’œuvre, approches différentes des deux côtés de la Sarine... Le Temps fait le point sur une équation infernale.
Appelons-les Marco et Laura. Ils ont 27 ans, sont en couple et évoquent parfois les prénoms de leurs futurs enfants, mais ils n’y pensent pas trop. Ils ont d’autres choses en tête: leur carrière, par exemple. Tous deux travaillent à plein temps.
Cinq ans plus tard, après la naissance de leur enfant, Laura a repris son activité professionnelle à mi-temps. Marco à 100%. L’égalité restera un idéal.
Cette caricature fictive reflète les statistiques officielles en Suisse. Lorsqu’ils ne sont pas encore parents, une majorité de jeunes en couple travaillent à des taux similaires et se projettent dans un partage de tâches. L’arrivée du premier enfant représente une rupture et creuse un décalage entre leurs désirs et la réalité du manque de structures de garde ou de leur coût.
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Les témoignages de parents désemparés, sommés de se débrouiller en attendant une solution durable, sont loin d’être des cas isolés. Trop souvent, en Suisse, le choix d’avoir des enfants et de travailler s’avère conflictuel, et des parents, des mères dans une écrasante proportion, décident de réduire leur taux d’activité.
Or le temps partiel constitue la cause principale d’inégalité économique: en 2018, le revenu cumulé des femmes sur l’ensemble de leur parcours professionnel était de 43,2% inférieur à celui des hommes. C’est aussi un trou dans le deuxième pilier et dans la prévoyance vieillesse. Et une cause de précarisation.
Mais l’économie dans son ensemble paye le prix du sous-emploi. La Suisse compte 130 000 postes vacants à l’heure actuelle. D’ici à 2030, on estime à 500 000 le nombre de postes à repourvoir. L’immigration à elle seule ne peut répondre aux besoins, d’autant moins dans un contexte politique qui ne lui est pas favorable.
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En comparaison internationale, la Suisse investit peu
Un début de solution se dessine à Berne, où le parlement va débattre d’un investissement de la Confédération pour développer l’accueil extra-familial et alléger la facture pour les parents.
En Suisse, l’idée bien ancrée que l’organisation familiale est une affaire d’abord privée (et maternelle), puis communale ou cantonale, explique aussi la pauvreté des dépenses des pouvoirs publics en la matière, et les grandes disparités régionales concernant l’offre en crèches.
En comparaison, au sein de l’OCDE, la Suisse investit nettement moins dans l’accueil de la petite enfance et les parents déboursent une part bien plus grande de leur revenu pour les crèches que dans les pays voisins. On est en droit d’attendre beaucoup mieux de politiques qui concernent, aussi, l’éducation et le bien-être des enfants.
Ce n’est pas pour rien que, fait rare, patrons et syndicats soutiennent ce projet pour l’accueil extra-familial. Face à l’urgence économique, la conscience qu’il ne s’agit plus juste d’une affaire privée mais de la prospérité du pays gagne du terrain.
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