Credit Suisse semble plonger dans un abîme sans fond. Mercredi, son actionnaire le plus important s’est tiré une magistrale balle dans le pied. Hors de question, a répondu le président de Saudi National Bank, interrogé sur une possible injection de capital pour aider la banque en cas de besoin. Il n’en a pas fallu davantage pour que l’action s’effondre de façon spectaculaire.

Credit Suisse le martèle: sa base financière est solide, elle n’est pas en danger, et une aide étatique n’est pas un sujet. Il faut lui laisser le temps de mettre en œuvre sa nouvelle stratégie, exhortait mardi son directeur général, Ulrich Körner. Dans un environnement économique favorable, pourquoi pas. Mais le contexte international s’est largement détérioré ces dernières semaines.

Une chute en bourse n’est pas synonyme de faillite, soyons clairs. C’est une réaction, probablement démesurée et amplifiée par la fébrilité financière actuelle. Depuis la débâcle de la Silicon Valley Bank, tout le secteur bancaire tangue, en particulier les banques qui apparaissent les plus vulnérables. Même si sa situation n’a rien à voir avec celle de l’établissement californien et qu’elle est bien plus solide, Credit Suisse, avec ses années de scandales, de pertes et sa restructuration en cours, en fait partie. Mais la banque n’incarne pas juste une victime collatérale d’une crise financière en gestation, elle a eu 1000 fois l’occasion de se redresser. Ses responsables passés ne l’ont pas saisie ou ont échoué, et ceux du moment peinent encore à convaincre qu’ils y parviendront.

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L’épreuve du feu

Dans ce contexte, le silence des autorités était devenu de plus en plus assourdissant. La deuxième plus grande banque, l’une des plus anciennes, étroitement associée au développement économique du pays, s’est enfoncé dans la crise sans que Berne et Zurich ne pipent mot. Mais que les déposants de la banque sachent que les politiques et les régulateurs se préoccupaient de leur sort n'aurait pas été inutile. Une réaction de la BNS et de la Finma est arrivée enfin mercredi soir. Elle permettra d'enrayer la spirale négative, mais les dégâts seront certainement déjà immenses.

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Pour les clients qui se demandent si leur argent est en sécurité, l’inquiétude est compréhensible. Aux Etats-Unis, le gouvernement est immédiatement intervenu pour sauver les déposants de la Silicon Valley Bank, qui n’était même pas considérée comme trop grande pour faire faillite (contrairement à Credit Suisse). La Suisse dispose d’un plan bien ficelé et de règles très claires en cas de crise pour les établissements de ce type, y compris en séparant les entités. Mais il n’a pas (encore) passé l’épreuve du feu. Rappelons-le: la banque est une affaire de confiance. Elle est plus facile à perdre qu’à gagner. Et elle finit par avoir plus d’importance que les chiffres, aussi rassurants soient-ils sur la solidité financière de la banque.


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