Chapelet de grèves, blocages, pénuries, défilés en province mais surtout suivis entre les places de la République et de la Nation, un TGV sur quatre, un RER sur 10 et un nombre de manifestants très différent selon les organisateurs et la police. Ajoutez à cela quelques vitrines de banques brisées par des casseurs, dont on se désolidarisera, et vous avez le menu répétitif de la très attendue mobilisation contre une réforme des retraites dont personne ne veut mais qui, comme presque toutes les autres, finira probablement par passer, éventuellement avec quelques concessions. Ce nouvel épisode du feuilleton sans fin des rentrées sociales françaises confirmerait alors l’image d’inutilité qu’ont les syndicats dans le pays. Ils auront échoué malgré l’unité de départ. Beaucoup de bruit pour rien, encore une fois.

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Le sociologue de Sciences Po Guy Groux a l’impression de revoir éternellement la même pièce de théâtre de boulevard, avec les mêmes ressorts et les mêmes faux rebondissements. Un jour (de grève) sans fin, lassant et souvent sans conséquence, qui tranche avec les mouvements sociaux les plus marquants de ces dernières années en France, comme celui des Gilets jaunes ou, plus localisés, les blocages imprévus organisés par des employés de raffineries ou des contrôleurs SNCF face à leur perte de pouvoir d’achat.

Dans l’impasse

A cela s’ajoute une évolution du monde du travail qui semble totalement échapper à des syndicats de moins en moins représentatifs. Un défaut de représentativité et une crainte de se faire dépasser par leur base qui pourraient pousser ces organisations à en faire plus dans la mobilisation qui commence ce jeudi, y compris du côté des plus conciliants.

Bref, le fameux «dialogue social» français est dans l’impasse. Et cette impasse est dangereuse. Car l’inadéquation entre le débat public sur la question du travail et l’évolution de la société pourrait bien mener à un grand écart entre les représentants institutionnalisés des travailleurs et une population en colère qui ne se sent plus représentée. Et qui se tourne donc vers des solutions de révolte plus radicales. Entre l’extrême droite et le complotisme, les offres ne manquent pas…

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