Début octobre, The Economist réservait sa une à Liz Truss et à son ministre des Finances, Kwasi Kwarteng, juchés sur une barque en train de prendre sérieusement l’eau: «How not to run a country» («Comment ne pas gouverner un pays»), commentait sarcastiquement le prestigieux hebdomadaire britannique. Ce jeudi, l’embarcation a définitivement sombré. La première ministre, qui la veille encore se refusait à capituler, a rendu les armes.

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C’est à celui qui lui succédera qu’incombera la délicate tâche de réparer les dégâts, de rétablir la confiance au sein de la population et sur les marchés financiers. Car ce sont bel et bien les investisseurs qui ont planté le premier clou dans le cercueil politique de celle qui se rêvait en nouvelle Dame de fer. Et la défiance qu’ils ont manifestée à l’encontre de son insensé mini-budget censé redonner à la Grande-Bretagne sa splendeur d’antan s’est révélée plus efficace que toutes les manifestations du monde.

Changement de contexte

Jusqu’à la crise financière de 2008, les économistes aimaient à dire que les marchés financiers ont toujours raison. L’agrégation des analyses et des stratégies d’investissement de millions d’individus éclairés était supposée montrer la direction que prenait l’économie mondiale. L’affaire des crédits toxiques aux Etats-Unis et l’arrivée du négoce automatisé ont mis à mal cette conviction.

Dans un court épisode politique qui restera dans les annales de la Grande-Bretagne, les investisseurs ne se sont toutefois pas trompés. Ils ont rappelé à Liz Truss et à son grand vizir qu’alors que le coût de l’endettement augmente et que les indicateurs économiques sont rouge vif, un budget se doit d’être crédible.

En occultant cette évidence, l’ex-locataire de Downing Street a fait preuve d’un amateurisme impardonnable. Dans les couloirs feutrés des cours européennes, il serait toutefois bon de ne pas trop se gausser des déboires de la perfide Albion. Car la situation financière de la France ou de l’Italie n’a rien à envier à celle d’un pays qui n’est plus que l’ombre de lui-même. Mercredi, le ministre français des Finances signalait d’ailleurs que la politique du «quoi qu’il en coûte» ne serait pas tenable longtemps pour protéger sa nation des affres de l’inflation.

Asséchés par une coûteuse pandémie, les gouvernements se retrouvent aujourd’hui pris en tenaille entre des marchés financiers intransigeants et une population prise à la gorge par la flambée des prix. Ce que la chute de Liz Truss leur rappelle, c’est que la solution de cette équation ne se trouve pas dans des baisses fiscales inconsidérées qui ciblent en premier lieu les citoyens les plus fortunés.

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