ÉDITORIAL. Les Ivoiriens retiennent leur souffle après l’élection présidentielle de samedi. La faute à de vieux politiciens qui refusent de passer la main. L’alternance est une vertu bafouée en Afrique, mais aussi ailleurs dans le monde

On dit que la sagesse vient en vieillissant mais aussi que le pouvoir monte à la tête. Nouvelle illustration en Côte d’Ivoire. La locomotive économique de l’Afrique de l’Ouest votait samedi pour renouveler son président. Et les Ivoiriens retiennent leur souffle, priant pour que leur pays ne replonge pas dans une crise meurtrière comme il y a dix ans.
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Comment expliquer ce piètre remake? L’élection ivoirienne est répertoriée depuis belle lurette dans la liste des événements hautement inflammables. Le président sortant, Alassane Ouattara, 78 ans, avait pourtant promis qu’il ne se représenterait pas. Après le décès de son dauphin désigné, il s’est ravisé, voyant aussi que ses vieux rivaux se lançaient dans la course.
Le résultat de ce scrutin est cousu de fil blanc. Le président Ouattara l’emportera, mais la suite est beaucoup plus incertaine et une explosion de violences est à craindre. La fragile démocratie ivoirienne en ressort une nouvelle fois ébranlée, et cela pour des mois, voire des années.
La Côte d’Ivoire n’est malheureusement pas une exception. La Guinée voisine est également plongée dans une crise post-électorale profonde, après la réélection du président Alpha Condé, 82 ans, pour un troisième mandat, après avoir modifié au pas de charge la Constitution.
Il y a quelque chose de profondément désespérant à voir de vieux démocrates, autrefois longtemps dans l’opposition, qui, une fois arrivés au pouvoir, s’y accrochent en se pensant indispensables. Le constat est d’autant plus pathétique qu’il a pour théâtre l’Afrique. Le continent à la population la plus jeune.
Le pire, c’est que la persistance de certains chefs d’Etat donne le mauvais exemple. Bien d’autres élections sont prévues en Afrique ces prochains mois. Et les pays africains seront appelés à offrir leur médiation en cas de crise électorale chez leur voisin. Comment cette intervention pourrait-elle être neutre si elle émane d’une amicale d’autocrates, plutôt que d’une assemblée légitime?
La mauvaise gouvernance n’est pas pour autant une malédiction africaine. Elle guette aussi nos vieilles démocraties, qui auraient tort de donner des leçons, sans se regarder dans un miroir. Mardi, tous les regards se tourneront vers les Etats-Unis, qui verront s’affronter deux septuagénaires. L’un d’eux laisse planer le doute sur le fait qu’il reconnaîtrait ou non une éventuelle défaite. L’écrivain américano-taïwanais Eric Liu répète que «la démocratie ne fonctionne que si suffisamment de gens pensent que la démocratie fonctionne». A commencer par les élus, qui doivent laisser leur place le moment venu.
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