Tous deux apparaissent plutôt comme des pays «sympathiques». De ceux qui, face à l’extrémisme ambiant, prônent la modération et sur lesquels on peut compter, partageant avec eux suffisamment de «valeurs» communes, pour reprendre un terme en vogue. Le Qatar et le Maroc – ces deux pays – sont pourtant au cœur du scandale surgi en décembre dernier. Ou plutôt: si le Qatargate a fait sensation au Parlement européen, avec ses sacs emplis de billets de banque et ses allures de (mauvaise) série télévisée, des indices et des témoignages de plus en plus nombreux montrent que c’est bien le Maroc qui a initié ces pratiques de corruption, tissant la toile dans laquelle le Qatar (et peut-être d’autres pays) s’est ensuite introduit.

De fait, le Maroc a toujours su faire entendre ses intérêts, particulièrement auprès de l’Europe. Il ne manque pas d’arguments: son rôle de «barrière» face aux migrants africains, bien sûr, mais aussi face aux intégrismes islamistes; sa proximité avec ses voisins du nord, Français et Espagnols au premier chef, doublée aujourd’hui de son adhésion aux Accords d’Abraham par lesquels le Maroc a noué des relations avec Israël…

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Autant d’atouts, croyait-on, qui permettaient à Rabat de faire passer à la trappe ses manquements en termes de respect des droits de l’homme, qui lui ont servi à développer une intransigeance obtuse vis-à-vis du Sahara occidental, qui lui ont permis, en un mot, de passer largement sous les radars de la vigilance internationale.

Des faveurs, des voyages, des «cadeaux» et de la surveillance

Les révélations autour du scandale du Parlement européen semblent pourtant montrer que le Maroc s’est donné d’autres outils pour forcer le destin. A l’inverse du Qatar, le royaume chérifien a des intérêts bien établis à Bruxelles, perçue autant comme le centre du pouvoir européen que comme la capitale de la Belgique. Dans le premier se négocient les accords agricoles et de pêche et se dégagent les lignes de force liées au respect des libertés; dans la seconde se trouve une large diaspora marocaine qui va, ou non, à la mosquée, et sur laquelle le pouvoir marocain a toujours voulu garder un œil ouvert, sinon davantage, afin d’interdire toute velléité de contestation qui se retournerait contre lui.

Des faveurs, des voyages, des «cadeaux», mais aussi la surveillance de personnalités européennes acquise grâce à Pegasus, une technologie israélienne, dont le Maroc est l’un des plus gros utilisateurs. Les ramifications de ce Marocgate doivent encore être confirmées par la justice. Mais d’ores et déjà, elles mettent à nu le champ de mines que sont devenues les relations internationales. Même entre pays «amis».

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