Le retour d'un proche de Vladimir Poutine à la tête du gouvernement de Kiev n'en est pas moins révélateur du changement de paradigme qui est intervenu au cours de ces deux dernières années. Qualifiée d'autocratie à la dérive voici peu, la Russie a reconquis, grâce aux pétrodollars, le statut de superpuissance énergétique. Viktor Ianoukovitch arrive donc au bon moment. Aux yeux de Moscou, il aura aussi le mérite de réduire, pour l'heure, la menace d'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN à laquelle il est, comme une majorité d'Ukrainiens, réfractaire.
D'autres raisons plus profondes expliquent le retour spectaculaire du leader pro-russe du Parti des régions. Depuis la chute du mur de Berlin, les pays postcommunistes ont parfois été bercés d'illusions et n'ont pas été immunisés contre un retour aux affaires de politiciens proches de Moscou. L'Ukraine ne fait pas exception. Très divisé, le camp pro-occidental de Iouchtchenko n'a plus les leviers nécessaires. Car, en Ukraine comme dans d'autres pays de l'ex-bloc soviétique, les populations sont déçues par l'Occident, dont l'image idéalisée s'est fracturée. Elles attendent toujours de voir arriver le projet occidental de grand plan Marshall promis à la fin 1989. Au cœur du rude hiver dernier, l'Ukraine a eu droit aux coupures de gaz du voisin russe. Aujourd'hui, Kiev sait que son salut énergétique est là où l'on ouvre et ferme les robinets: à Moscou.