Pas d’exception Polanski
Même un grand cinéaste n’est pas au-dessus des lois. Mais, parce que le public vibre avec lui, l’arrestation de Roman Polanski met en lumière certains aspects problématiques du droit commun
Fallait-il arrêter Roman Polanski? Le fait que la question n’autorise, sur le plan légal, qu’une seule réponse – positive – semble étrangement impuissant à éteindre une controverse passionnée. Et, dans un pays qui vient de marquer sa réprobation face aux délits sexuels frappant les mineurs en les décrétant imprescriptibles, déroutante.
Certaines indignations frisent l’indécence. Laisser entendre qu’un artiste aussi immense a bien le droit à ses petites excentricités et qu’un tel talent ne saurait être confiné entre les quatre murs d’une prison, c’est, ni plus ni moins, renier un principe fondamental en démocratie: la loi est la même pour tous.
Cette loi, rappelons-le, dit que tout acte sexuel avec un/e mineur/e de moins de16 ans est un délit, même si la victime était consentante, même si elle a été prostituée par ceux qui en ont la garde. Qu’il s’agit d’un délit si grave qu’il peut être reproché en Suisse à un étranger ayant agi à l’étranger si c’est le seul moyen de le sanctionner. Et, depuis novembre 2008, qu’il devra à l’avenir être poursuivi sans limite de temps.
Cette dernière disposition, imposée en votation populaire à un monde judiciaire réticent, rejoint les exigences du droit américain envers Roman Polanski. Et ces exigences inspirent une part, plus compréhensible, du malaise causé par son arrestation.
Le réalisateur est aujourd’hui appelé à payer pour des faits vieux de 30 ans. Consignés, certes, dans une enquête menée immédiatement après les faits, ce qui pourra, demain, ne pas être le cas de procédures ouvertes en Suisse pour d’anciens actes de pédophilie. Mais commis à une autre époque, à la sensibilité différente. Et, en partie, par un autre homme.
Ce dernier point est particulièrement sensible s’agissant d’un artiste dont l’évolution s’est exprimée au travers de films unanimement salués. Cela ne saurait le mettre à l’abri de la loi commune. Mais cela peut amener à mieux percevoir les questions que soulève cette dernière lorsqu’elle se calque, comme c’est le cas de l’imprescriptibilité, sur les seules revendications des victimes.