Les deux initiatives phytosanitaires ont fait couler beaucoup d’encre, suscité des plaintes pour déprédations et nécessité le placement d’une sénatrice sous protection policière. Le fossé ville-campagne s’est avéré profond. D’ignorants citadins donneurs de leçons, loin des réalités de la terre, face à d’obtus paysans, réfractaires au changement, avides de produits chimiques. Le débat a parfois volé assez bas, faisant la part belle aux clichés.

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Au moment d’insérer le bulletin dans l’urne, il s’agit toutefois de trancher. Et l’initiative «Eau propre» ne convainc pas. Tout le monde souhaite continuer de s’abreuver au robinet sans craindre pour sa santé. Mais le texte dirige l’opprobre vers un seul groupe de personnes: les agriculteurs. Or il est faux de leur faire porter toute la culpabilité.

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Imposer des contraintes extrêmement sévères aux producteurs sans s’intéresser aux importations est cruel et injuste. Un oui dans l’urne, et céréales brésiliennes sous Roundup ou viande nourrie aux antibiotiques continueront de garnir nos assiettes. Les exploitations locales tenteront pendant ce temps de jongler avec de nouvelles contraintes qui ne touchent qu’elles. Ce n’est pas correct.

L’interdiction des pesticides de synthèse est plus équilibrée. Elle remporte notre adhésion. Parce que dix ans sont prévus pour la mettre en œuvre. Parce que les produits étrangers dérogeant aux nouvelles normes ne bénéficieront pas de passe-droit. Et que, si l’agriculture n’est pas responsable de tous les maux, il demeure urgent d’agir contre l’extinction massive des insectes, l’appauvrissement des sols et la pollution des eaux.

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Des impératifs de rendement conditionnent cependant nos vies, celle des agriculteurs y compris. Certaines cultures se passeront difficilement de pesticides de synthèse. Afin que les producteurs s’en sortent, il faudra impérativement accompagner leurs efforts.

Pour que ceux-ci ne soient pas vains, les consommateurs devront tirer à la même corde. Un environnement sain ne jaillit pas d’un bulletin, mais d’une prise de conscience générale. Pour que le 13 juin représente une véritable étape, l’effort doit être commun. Rappelons-nous-en par la suite devant l’étal: chaque achat est aussi un vote.

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