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Le dossier FIFA, bérézina du parquet fédéral

ÉDITORIAL. L’acquittement de Sepp Blatter et Michel Platini porte encore un sérieux coup à l’image des autorités de poursuite pénale qui avaient déjà perdu la bataille médiatique avant cet échec judiciaire

Sepp Blatter à sa sortie du verdict rendu par la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral, qui siège à Bellinzone. — © ARND WIEGMANN / REUTERS
Sepp Blatter à sa sortie du verdict rendu par la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral, qui siège à Bellinzone. — © ARND WIEGMANN / REUTERS

Un procès au retentissement planétaire – celui de Sepp Blatter et Michel Platini – qui s’achève sur un double acquittement. C’est un fiasco pour le Ministère public de la Confédération dans une affaire symbolique dont les implications dépassent largement cette histoire de 2 millions de francs payés dans des circonstances troubles. Certes, ce verdict peut encore être porté en appel, là où le parquet fédéral vient de sauver (un peu) les meubles dans un dossier cousin impliquant l’ex-secrétaire général de la FIFA Jérôme Valke, sur fond de droits télévisés, et sur lequel le Tribunal fédéral devra encore se prononcer.

L’acquittement du jour dit aussi que les soupçons initiaux étaient fondés, que cette procédure avait donc de bonnes raisons d’être ouverte, mais que les preuves apportées ne suffisent pas pour balayer le doute sérieux qui subsiste, et donc pour condamner le duo. Cette motivation nuancée, qui écarte la thèse de la machination chère à l’ancien capitaine des Bleus, est certes susceptible de mettre un peu de baume au cœur de l’accusation, voire de la partie plaignante. Mais elle ne suffira pas à effacer l’ampleur de l’échec dans un dossier qui se voulait emblématique et qui s’est transformé en véritable cauchemar pour les autorités de poursuite pénale de la Confédération.

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Sept ans après le début de cette monumentale procédure FIFA, saucissonnée en 25 volets distincts, la chute qui reste dans les mémoires est surtout celle d’un procureur général, Michael Lauber, chahuté, récusé en raison de ses rencontres discrètes avec le nouveau patron du football mondial Gianni Infantino, sanctionné disciplinairement pour avoir caché la vérité, poussé à la démission et, enfin, mis en prévention pour abus d’autorité et d’autres choses encore.

Erreur stratégique

Un scénario tout simplement inimaginable au moment où éclatait le scandale et où les enquêteurs suisses prêtaient main-forte à leurs homologues américains pour nettoyer les instances dirigeantes de la FIFA du fléau de la corruption. On peut même dire que la bataille était déjà perdue sur le plan médiatique avant même cet acquittement. Le choix de mener la procédure en allemand, alors que ses protagonistes et le public intéressé sont francophones, n’a rien arrangé. C’était une erreur stratégique que de laisser un Sepp Blatter, sympathique, charismatique et bavard, ou un Michel Platini, plaintif (avant le verdict) et toujours revanchard, occuper ainsi le terrain sans véritable contradicteur intelligible.

En face, le MPC a surtout donné l’impression d’avoir été incapable de mener une affaire sensible sans se prendre les pieds dans le tapis et la FIFA, partie plaignante, est passée encore et toujours pour le grand méchant loup. Quelle que soit son issue ultime, cette affaire aura fait tomber deux barons du foot en leur donnant des airs de martyrs et nui pour longtemps à l’image du parquet fédéral. Un piètre bilan.

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