Les droits humains ne peuvent être sacrifiés sur l’autel du coronavirus
ÉDITORIAL. Depuis que près de 80 pays ont imposé l’état d’urgence pour combattre la pandémie de Covid-19, les dérives répressives se multiplient. Or il est indispensable d’attacher une importance majeure au respect des droits humains. Cela déterminera la société de demain dans laquelle nous vivrons

La riposte au Covid-19, la pire crise sanitaire depuis un siècle, ne peut qu’être musclée. Le nouveau coronavirus a déjà fait plus de 208 000 morts sur la planète. Mais elle ne doit pas être exploitée par les nationalistes et les avides de pouvoir pour imposer un ordre policier liberticide. Les Nations unies sont pourtant inquiètes: les dérives répressives abondent, en Afrique, en Asie, en Amérique latine, aux Etats-Unis et en Europe. Bien qu’il paraisse sensé de les limiter en raison d’un impératif sanitaire, les droits fondamentaux ne peuvent pas être une préoccupation de second rang. Parmi les quelque 80 pays qui ont décrété l’état d’urgence, les abus se multiplient: arrestations arbitraires, intimidations, censure, usage excessif de la force.
Lire aussi l'article lié: Le Covid-19, «une crise des droits humains»
Or la manière dont on construit la riposte au Covid-19 déterminera le type de société dans laquelle nous vivrons demain. Les droits humains, déjà malmenés, pourraient être l’une des grandes victimes du Covid-19. Les négliger, c’est semer les germes de futurs conflits. Leur non-respect est toujours le signe avant-coureur de graves troubles. La pandémie a révélé au grand jour les faiblesses de nombreux Etats. Elle devrait être l’occasion d’un bilan forcé mais nécessaire pour les identifier et les lever.
La montée de l’autoritarisme dans le monde doit nous alerter. Conjuguée à l’utilisation abusive de la technologie pour «tracer» les faits et gestes de tout citoyen, elle pourrait sonner le glas des libertés telles qu’on les connaît, dont la liberté d’expression et de la presse, pierres angulaires de nos démocraties.
Lire également: Félix Tréguer: «Des technologies de surveillance se normalisent à l’aune de cette crise»
Mais les violations des droits civils et politiques ne constituent pas le seul danger. Face à une crise sociale et économique sans précédent qui se profile, les droits économiques et sociaux revêtent aussi une importance capitale. Le développement d’un filet social digne de ce nom, l’accès à une couverture médicale universelle seront non seulement cruciaux pour la cohésion de nos sociétés aujourd’hui très inégalitaires, mais demeureront la meilleure garantie de résilience en cas de nouvelle pandémie.
Au moment de la Grande Dépression des années 1930, les Etats de la planète s’étaient repliés sur eux-mêmes, refusant d’apporter une réponse globale à la crise. Aujourd’hui, nous devons en tirer les leçons. Seul un effort multilatéral en faveur des droits humains permettra d’éviter une catastrophe politique, économique et sociale aux conséquences incommensurables.