Le président de la République française est, selon l’article 64 de la Constitution, «garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire». Il ne faut pas s’étonner, dès lors, de la sévérité du jugement prononcé lundi par le Tribunal correctionnel de Paris contre Nicolas Sarkozy.

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Pour les magistrats, cet accusé désormais jugé coupable de «corruption» et de «trafic d’influence» n’était pas un prévenu comme les autres. Il avait, face à la justice et au peuple au nom de laquelle elle est rendue, un devoir d’exemplarité. Le fait de s’en être affranchi, en cherchant à obtenir en 2013-2014 des renseignements sur une affaire en cours grâce à l’intermédiaire d’un avocat ami et d’un juge carriériste, légitime sa condamnation.

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Avoir conscience de cet arrière-plan constitutionnel, légal et moral dans une République toujours prompte à réclamer plus d’égalité devant la loi ne doit toutefois pas empêcher de s’interroger, en France comme en Suisse. Un responsable politique peut-il, aujourd’hui, sortir innocenté d’un procès? Les juges ne ressentent-ils pas le besoin de condamner pour l’exemple malgré les arguments avancés durant les audiences, et les éléments parfois insuffisants d’un dossier, comme Nicolas Sarkozy l’avait lui-même dénoncé avec fougue à la barre?

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Le fait est que l’ancien magistrat Gilbert Azibert, par lequel l’ancien locataire de l’Elysée espérait obtenir des informations et l’éventuel retour de ses agendas présidentiels saisis par la police, n’a pas obtenu le poste qu’il convoitait. Le fait est que les conversations entre l’ex-président et son ami avocat Thierry Herzog sur la ligne clandestine «Bismuth» pouvaient être interprétées différemment. Nicolas Sarkozy, qui va interjeter appel après cette lourde condamnation, ne va donc pas manquer de repartir à l’assaut en se disant victime d’acharnement judiciaire. Ses partisans, eux, n’auront pas de mots assez durs pour dénoncer cette nouvelle illustration d’une soi-disant «république des juges».

A l’orée d’un autre procès dans deux semaines sur le dépassement du plafond de dépenses pour sa campagne de 2012 – lors duquel l’ancien président français sera coaccusé – ce jugement sévère s’impose comme un avertissement: l’heure est venue d’en finir, en France, avec ce précipice d’exemplarité qui divise juges et dirigeants élus. Un précipice avec lequel Nicolas Sarkozy, si prompt à se présenter comme une victime, a beaucoup trop flirté pour s’étonner aujourd’hui d’en payer le prix.