Des immeubles en ruine et une population partagée entre le dépit et la survie, coincée dans un quartier du Bronx où le feu couve en permanence. Le New York de 1977 qui sert de décor à The Get Down, la série télé de Netflix réalisée par Baz Luhrmann, ne ressemble pas vraiment à celui d’aujourd’hui. Au milieu de ce paysage lunaire, une culture naît. Le hip-hop, qui ne porte pas encore ce nom, va montrer comment, dans l’épreuve, un art venu de l’underground peut changer le monde.

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A la fois œuvre de fiction et documentaire (les images d’archives appuient régulièrement le propos), The Get Down réussit non seulement à capter l’esprit de son temps, elle parvient aussi à le faire entrer en résonance avec le nôtre. «A un moment où l’Amérique connaît un regain de tensions raciales, j’avais envie de raconter une histoire positive», explique le réalisateur australien, spécialiste des histoires dansées et chantées (Moulin Rouge et Chicago, c’était lui). «Et comment ces gosses, dans un monde en crise, ont préféré s’exprimer avec des disques et des peintures en spray plutôt qu’avec des armes à feu.»

Il était donc une fois l’Amérique. En 1977, de jeunes Blacks prenaient des disques qu’ils transformaient en instruments de musique. Leur parole racontait un quotidien où ils vivaient rarement très vieux. L’avenir menait soit aux gangs, soit au deal. Une autre voie, plus difficile, passait par le rap, le graffiti et la mode. Les roses sortaient parfois du bitume et calmaient les démons.

Et puis, quarante ans plus tard, les voilà qui se réveillent. Les armes ont remplacé les disques et la peinture en spray. L’enjeu est devenu électoraliste. Donald Trump met de l’huile sur le feu et veut redonner sa puissance à l’Amérique en tapant sur les minorités. Hillary Clinton profite de l’incendie pour arracher son trône au pyromane. Il faudrait à la première puissance mondiale une nouvelle révolution, dans le sens planétaire du retour au même point. Revenir à ce moment où la créativité était capable de fédérer les gens et de bouleverser les destins.

The Get Down parle de cet instant magique où une communauté finalement s’élève. Alors oui, le feuilleton vire parfois à la bluette – surtout dans ses derniers épisodes. En cela, Baz Luhrmann n’est pas le réalisateur de Romeo + Juliette pour rien. Et la violence du Bronx passe souvent derrière la romance et les références aux films de Blaxploitation. Reste que cette fresque en six chapitres – les six suivants seront diffusés en 2017 – raconte notre époque contemporaine à travers sa bande-son. Plus qu’une série, une leçon d’histoire.

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