Fixer, dans la Constitution, un plafond d'étrangers tolérés en Suisse, comme le prévoit l'initiative dite des 18%, c'est défendre, sans équivoque, qu'il y en a aujourd'hui trop. Imposer ce seuil, c'est soutenir qu'une partie des étrangers aujourd'hui installés en Suisse doivent être chassés. Arbitrairement. Juste pour satisfaire au sentiment diffus que la barque serait pleine. Cette idée est tout simplement intolérable d'un point de vue moral. Elle est d'autant moins acceptable de la part d'un Etat dont la formidable prospérité doit beaucoup à une irremplaçable immigration.

Il ne s'agit pas de verser dans l'angélisme. Oui, la coexistence des Suisses avec les communautés étrangères ne va pas sans heurts. Les problèmes, notamment dans les écoles, s'aggravent-ils? Même si ce n'est pas prouvé, il faut respecter les inquiétudes qui se manifestent dans une partie de la population, les prendre en considération, et leur apporter une réponse. Forte de sa vigoureuse culture démocratique, toujours aussi stable et plus opulente que jamais, la Suisse est suffisamment solide pour chercher et trouver des solutions adéquates aux nouvelles tensions ethniques.

Mais l'initiative des 18% n'est pas la solution appropriée. Son application stricte violerait des valeurs fondamentales. Les démocraties occidentales ont montré leur attachement à ces valeurs dans l'affaire des sanctions décidées contre l'Autriche de Haider. En y dérogeant, la Suisse s'exposerait à un isolement accru.

A cet égard, le soutien accordé ce week-end par l'Union démocratique du centre à l'initiative des 18% ne doit pas être banalisé. Mal à l'aise, ses dirigeants ne convainquent personne quand ils s'évertuent, a posteriori, à minimiser la décision de leurs délégués qu'ils se sont lâchement abstenus de combattre. Leur coupable légèreté a valeur de faute morale. Une faute d'autant plus inacceptable qu'elle est le fait de leaders d'un parti impliqué dans la direction de l'Etat. Car ce n'est plus, comme dans les années 70, l'animateur d'un parti conservateur marginal qui lance la bataille xénophobe. Non, pour la première fois, cette partition irresponsable est jouée par un parti gouvernemental.

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