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Europe: le parlement prend la main

ÉDITORIAL. Face à la passivité du Conseil fédéral dans le dossier européen, la Commission de politique extérieure du Conseil national fait un geste envers Bruxelles. Mais il est peu probable que l’UE goûte cette offre de 1 milliard supplémentaire pour la cohésion

Une politique européenne toujours aussi floue du côté suisse. — © Keystone
Une politique européenne toujours aussi floue du côté suisse. — © Keystone

Après la décision du Conseil fédéral de déchirer l’accord-cadre avec l’UE le 26 mai dernier, les partis politiques s’étaient montrés plutôt soulagés. L’UDC eurosceptique jubilait en remportant une victoire d’étape, tandis que les autres – à l’exception notoire des vert’libéraux – n’étaient pas mécontents de priver le parti souverainiste de l’un de ses thèmes de prédilection dans l’optique des élections fédérales de 2023.

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Le réveil est aujourd’hui brutal. Alors que plusieurs délégations d’élus suisses se sont rendues à Bruxelles, le monde politique prend conscience que les fronts sont totalement figés entre la Suisse et l’UE. Dans une interview, le vice-président de la Commission européenne Maros Sefcovic s’est montré si inflexible qu’il a incité la Commission de politique extérieure à prendre le taureau par les cornes. Il met dans la balance 1 milliard de francs supplémentaire à titre d’aide à la cohésion pour obtenir l’association pleine et entière de la Suisse au prochain programme européen de la recherche Horizon Europe.

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Il s’agit là d’un double signal. Envers Bruxelles d’abord. Oui, il reste en Suisse des forces de bonne volonté qui tiennent à sauver la voie bilatérale en la modernisant, quitte à briser quelques tabous. L’aide à la cohésion n’est plus volontaire, mais peut être envisagée comme une contribution régulière.

Un signal ensuite envers le Conseil fédéral, où le pilote du dossier, le chef des Affaires étrangères Ignazio Cassis, semble avoir perdu toute crédibilité. Parce qu’il est bloqué dans ses propositions par ses collègues ou parce qu’il ne songe qu’à donner des gages à l’UDC en vue de sa réélection en 2023? Peu importe, à vrai dire. Car la Suisse ne peut pas se permettre de laisser ce dossier enlisé durant deux ans de plus, tant le risque de délocalisation d’emplois est réel.

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Il ne faut pas se bercer d’illusions. L’UE n’est pas un supermarché dont la Suisse peut s’offrir l’accès en versant des milliards de francs ou d’euros. Il est fort probable qu’elle accueillera la proposition suisse avec une grande méfiance. Et qu’elle continuera de mettre la Suisse sous pression: sans la garantie d’une feuille de route incluant des pistes institutionnelles sur le règlement des litiges, elle n’accordera vraisemblablement pas la pleine association des chercheurs suisses à Horizon Europe.

Tous ceux qui voulaient enterrer le dossier européen en sont pour leurs frais. Celui-ci redevient plus actuel que jamais.