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Face aux multiples crises, l’OMC cherche à sauver le multilatéralisme à Genève

EDITORIAL. Il serait faux de croire que la Conférence ministérielle de l’OMC se déroulant à Genève jusqu’au 15 juin ne concerne que le commerce mondial. L’enjeu dépasse largement ce cadre

Tous les 164 Etats membres de l'OMC, y compris la Russie et l’Ukraine, ont envoyé leurs délégués à Genève, après avoir dû déprogrammer à deux reprises ces déplacements dans le passé récent, coronavirus oblige.  — © Martial Trezzini/Keystone
Tous les 164 Etats membres de l'OMC, y compris la Russie et l’Ukraine, ont envoyé leurs délégués à Genève, après avoir dû déprogrammer à deux reprises ces déplacements dans le passé récent, coronavirus oblige. — © Martial Trezzini/Keystone

On aurait presque souhaité voir plus de manifestants contre l’Organisation mondiale du commerce (OMC) samedi à Genève. Cinq cents à 600 personnes défilant et usant de slogans habituels antimondialisation, c’est comme si l’organisation et ses conclaves ne valaient même plus la peine de se déplacer. Si personne ne regrette les casseurs et les dégâts causés en 1998 ou en 2009, les manifestations rassemblaient alors jusqu’à dix fois plus de personnes. Pourtant, ce qui se jouera dans les prochaines heures à Genève derrière les murs du Centre William Rappard est crucial pour l’avenir de la planète.

Pour s’en convaincre, il suffit de lister les cinq crises majeures actuelles, comme l’a fait la directrice générale de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, devant la presse avant l’ouverture de la Conférence ministérielle: la guerre en Ukraine, la crise alimentaire, la crise énergétique, la pandémie de Covid-19 dont le monde n’est pas sorti et, bien sûr, l’urgence climatique. Une situation sans précédent qui pose un cadre bien particulier aux débats à venir. Avec ce constat: «Aucune de ces crises ne peut être résolue par un pays seul.»

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Le risque du plurilatéralisme

Tous les 164 Etats membres, y compris la Russie et l’Ukraine, ont donc envoyé leurs délégués à Genève, après avoir dû déprogrammer à deux reprises ces déplacements dans le passé récent, coronavirus oblige. Ils ont quelques jours (et nuits) pour se mettre d’accord sur certains dossiers fondamentaux, ou au moins un d’entre eux. Le mode de décision, par consensus, rend le processus à la fois beau et compliqué, puisqu’il faut éviter le veto, le blocage du tout par un seul pays. Un travail qui se construit lentement, parfois péniblement.

Et en termes d’accord, justement, les choses sont loin d’être gagnées. Le paysage géopolitique et économique est morcelé, constitué de blocs qui n’en sont pas vraiment non plus. Les pays riches sont divisés sur les questions de propriété intellectuelle et de subventions. Les pays en développement ne sont pas plus unis en raison de leurs besoins divergents. L’Inde est considérée en ce moment comme une puissance bloquant les processus. La Suisse ne fait pas mieux sur certains dossiers, à l’image de ses positions sur la question des brevets. Chacun des Etats peut faire échouer tout le processus, à lui seul.

Face à cette situation, le risque actuel est plus que jamais le plurilatéralisme. Quelques groupes de pays décident de signer des accords entre eux, lassés d’attendre, convaincus qu’ils n’ont pas besoin des autres. Dans les faits, les perdants de cette évolution sont les pays les plus petits ou les plus faibles. La principale menace face à de tels accords: qu’ils gangrènent le système multilatéral. Créer le consensus sera le principal défi de Genève 2022. Comme un reflet de la situation mondiale.