ÉDITORIAL. Face à l’inflation qui reste élevée, la Fed et ses homologues veulent continuer à serrer la vis. Mais des dégâts collatéraux de la remontée rapide et violente des taux vont peut-être les en empêcher

Et si la faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) constituait les prémices d’une nouvelle crise financière? Lundi, les marchés se faisaient peur avec cette hypothèse pourtant a priori relativement peu probable. Les autorités américaines sont rapidement intervenues pour circonscrire une crise, qui reste très spécifique: SVB avait un modèle d’affaires bien à elle et une gestion de sa trésorerie peu recommandable.
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Comment les signaux d’alerte sont-ils passés inaperçus aux yeux des actionnaires et des régulateurs? C'est une question que l’on peut se poser. On peut aussi constater avec inquiétude à quel point le système est fébrile et qu’une nouvelle d’une telle nature peut faire tanguer toutes les banques, en particulier les plus vulnérables, comme Credit Suisse, même s’il n’y a aucun lien entre elles. Mais d’un point de vue systémique, ce n’est pas le plus important. L’onde de choc de cette faillite devrait rester limitée, même si elle pourrait affecter d'autres banques régionales américaines.
Attendre?
Par contre, elle va représenter un vrai casse-tête pour les banques centrales, la Réserve fédérale (Fed) avant toutes les autres. Face au sursaut de l’inflation en début d’année, elle envisageait d’accélérer à nouveau le rythme de hausse des taux d’intérêt. Vingt-cinq points de base de plus dans dix jours? Et pourquoi pas un demi-point? Après tout, le marché du travail américain reste d’une bonne santé insolente malgré une remontée des taux historique par son ampleur et sa rapidité.
Voilà que ce fâcheux événement californien vient complètement changer l’équation nationale, et même mondiale. Car, au-delà de sa gestion peu prudente, SVB est aussi un dégât collatéral de la politique monétaire. Sans la remontée des taux de la Fed, il est probable qu’elle n’aurait pas sombré. Ou pas maintenant.
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Désormais, la Fed doit se poser la question d’attendre. Attendre avant de poursuivre sa hausse des taux. Cette dernière prenant des mois à faire effet sur l’économie, nous ne sommes pas à l’abri d’autres dégâts collatéraux spectaculaires ayant des conséquences plus vastes. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’une faillite se produit lors d’un cycle de hausse des taux. De tels événements ont déjà conduit la Fed à temporiser. En même temps, l’inflation, elle, toujours à des niveaux historiques, ne se mettra pas en pause.
Jusqu’ici, le dilemme de la Fed pouvait se résumer à en faire trop – provoquer une récession pour maîtriser l’inflation – ou pas assez – limiter les dégâts sur l’économie et le marché de l’emploi en risquant de laisser le renchérissement s’emballer. Désormais, il est devenu encore plus complexe.
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