L’élection de Luiz Inacio Lula da Silva a été un soulagement pour les tenants de la démocratie au Brésil. En faisant barrage à l’extrémiste de droite Jair Bolsonaro qui menaçait de réinstaller une junte militaire dans le principal Etat d’Amérique du Sud, l’ancien dirigeant du Parti des travailleurs peut se targuer de participer au maintien d’un certain ordre mondial fondé sur le droit. Ce qu’il a réalisé dans son pays, il est urgent qu’il l’applique à sa politique internationale, domaine dans lequel, affirme-t-il, son pays veut faire son grand retour après quatre années de repli isolationniste. Or, son entrée en scène fait plus que jeter le trouble.

A Pékin, le président brésilien a défendu l’idée d’un «club de la paix», d’un «G20 politique» qui imposerait sa médiation dans le conflit ukrainien. Cela paraît raisonnable. Ce qui l’est moins, c’est de pointer aussitôt du doigt l’Europe et les Etats-Unis en les accusant d’«alimenter la guerre». Lula déclare par ailleurs «partager entièrement la vision du monde» de Xi Jinping et soutient que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) sont légitimés à refonder les relations internationales du fait de leur poids économique et démographique.

Renvoyer Moscou et Kiev dos à dos est inadmissible

Que les BRICS, Chine et Brésil en tête, cherchent à reconfigurer l’ordre économique mondial – à commencer par la remise en cause de la domination du dollar dans les échanges internationaux –, n’a rien de scandaleux. L’ancien syndicaliste est dans son rôle pour défendre une plus grande justice sociale et l’égalité entre pays du Nord et du Sud. Refuser de condamner l’agression de la Russie, renvoyer Moscou et Kiev dos à dos et attribuer la poursuite de la guerre aux Occidentaux est par contre inadmissible. Lula trompe son monde. Et les Européens doivent le lui signifier sans détour. Il ne peut y avoir de médiation et de paix fondées sur ces prémices.

L’histoire du Brésil et de son continent peut expliquer le ressentiment contre les Etats-Unis de la gauche sud-américaine. Elle ne peut en aucun cas servir de prétexte pour fermer les yeux sur la responsabilité russe dans la déstabilisation actuelle de l’Europe et de l’économie mondiale. En chine, en se mettant à la remorque de Moscou et de Pékin, Luiz Inacio Lula da Silva fait le jeu des impérialismes du XXIe siècle. Rien de moins.

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