Editorial
EDITORIAL: Le gavage des canards et des oies est-il encore acceptable à notre époque? Non, si l’on accepte que l’antispécisme est une théorie de plus en plus cohérente avec les pratiques du XXIe siècle

Le Conseil national a voté une motion qui interdirait d’importer du foie gras provenant de la filière du gavage. Le Conseil des Etats va sans doute la refuser, mais la question demeure, année après année: faut-il gâcher les tables des Fêtes en abordant une nouvelle fois aux rivages de la polémique?
Le débat n’est pas nouveau, et les ennemis de la maltraitance animale s’activent avec des images insoutenables pour dénoncer la violence de certaines pratiques d’élevage. La tactique est connue: il s’agit de choquer, pour mieux marteler que l’homme ne constitue pas une espèce supérieure qui aurait le droit d’user à sa guise des autres animaux.
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L’exploitation de l’homme par l’homme
Les antispécistes refusent ainsi depuis plus de quarante ans que le seul hasard de la naissance d’un être vivant serve de justification à la poursuite de l’asservissement hérité de la révolution industrielle, qui avait commencé avec l’exploitation de l’homme par l’homme en Occident et que l’on dénonce aujourd’hui dans les pays où celle-ci a été délocalisée.
Y aura-t-il donc du foie gras à Noël? Au-delà du débat politique, ce n’est pas certain, compte tenu de la baisse de la production après deux années de grippe aviaire. Les prix vont donc monter et, indépendamment du pouvoir d’achat des consommateurs qui fait très souvent la différence, la question est, de plus en plus: devrait-il y en avoir?
Les temps ont changé…
On y répondra en suggérant son remplacement par des produits issus de filières «propres» ou par des pâtés végétaux dont chacun se fait sa propre idée gustative. Tout en n’oubliant pas que canards et oies n’ont pas besoin de «bourreaux» pour les «supplicier»: ils se gavent naturellement avant d’entamer leurs longs vols de migration, qui nécessitent d’accumuler des réserves en calories.
Les temps ont changé, qui redéfinissent aujourd’hui les rapports entre les espèces animales à la faveur de la mise au jour de parfaits scandales dans l’industrie agroalimentaire, particulièrement dans la filière porcine. Concernant un produit de niche comme le foie gras, qui apparaît de plus en plus comme un reliquat de l’ancien monde, l’argument «nourriture pour tous» ne tient pas, n’a jamais tenu. Ne plus soutenir la pratique du gavage, même si ce n’est pas encore la priorité de tout un chacun, c’est en revanche accepter de changer d’époque, en abandonnant les vices de la précédente.
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