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Franc fort, feu froid

C’était comme si la Suisse avait pris feu. Durant l’été 2011, le franc se renforçait au point de toucher la parité avec l’euro. Les marges des exportateurs fondaient. Les esprits des consommateurs se mettaient à bouillir. Car ce sont eux qui devaient être les grands gagnants de cette évolution du taux de change…

C’était comme si la Suisse avait pris feu. Durant l’été 2011, le franc se renforçait au point de toucher la parité avec l’euro. Les marges des exportateurs fondaient. Les esprits des consommateurs se mettaient à bouillir. Car ce sont eux qui devaient être les grands gagnants de cette évolution du taux de change… Pourquoi l’exact même pot de Nutella coûtait près de 20% plus cher de ce côté-ci de la frontière?

Submergée de lettres de réclamation, la Commission de la concurrence (Comco) a ouvert des enquêtes. Les associations de défense des consommateurs sont montées au front. Les médias ont largement exploré les dessous du brasier, aidés par des consommateurs ulcérés – la boîte mail du Temps récoltait des dizaines d’exemples d’abus envoyés par ses lecteurs.

Sous pression, Coop et Migros pointaient du doigt les marques internationales, les accusant de profiter des Suisses pour renflouer leurs caisses vidées par la crise. Ferrero et BMW répliquaient en affirmant avoir répercuté les taux de change sur les prix qu’ils faisaient aux distributeurs suisses. Si le consommateur était clairement perdant, difficile en revanche de pointer le gagnant.

Parfois, il faut user d’explosifs pour éteindre les incendies. Il y a exactement deux ans, la Banque nationale suisse (BNS) a utilisé une arme qualifiée de nucléaire pour étouffer le brasier. En instaurant un taux plancher défendu «avec toute la détermination requise», la BNS a donné à l’ensemble du pays – et surtout aux exportateurs – la prévisibilité attendue. En ce sens, c’est un sans-faute.

En revanche, elle a involontairement asphyxié le sain débat sur l’îlot de cherté suisse. Certes, il y a eu depuis quelques actions symboliques – l’amende infligée par la Comco à BMW – et quelques baisses de prix conséquentes mais, globalement, presque rien n’a changé. Même si le franc reste surévalué selon les experts, le sujet est clos.

Ou devenu tabou. Certains interlocuteurs rechignent à aborder cette question. Ou font preuve d’une étonnante nervosité lorsque l’on utilise des mots comme «franc fort» ou «importations parallèles». Comme s’ils craignaient de souffler sur de vieilles braises. Le débat doit pourtant être rouvert. Sur les terres brûlées poussent parfois d’excellentes récoltes.