«Paris et le désert français»: le titre de l’ouvrage publié en 1947 par le géographe Jean-François Gravier n’a malheureusement pas pris une ride. La preuve: attendus les 20 et 27 juin, les deux tours du scrutin régional et départemental, ultime test électoral avant la présidentielle d’avril-mai 2022, illustrent l’incapacité de la France à penser son destin et sa démocratie autrement que de façon verticale, tous les regards tournés vers l’Elysée.

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Qu’importent les promesses locales des candidats, proclamées sur leurs affiches placardées près des mairies et des futurs bureaux de vote: les Français voient bien que l’enjeu dépasse le périmètre des 13 régions métropolitaines, et des 101 départements. Divisions de la droite, écroulement de la gauche, percée écologiste, et surtout… duel Macron-Le Pen: les commentaires des médias, y compris de la presse régionale et départementale, sont, presque partout, d’abord consacrés à l’impact du futur vote – et du futur niveau d’abstention qui pourrait atteindre 70% – sur la course prochaine à l’Elysée.

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Absence de débat

Paris et le désert français: la formule choc se vérifie donc encore, alors qu’Emmanuel Macron a plusieurs fois promis, durant la pandémie, de ramener les décisions au plus près des territoires, de leurs besoins et des réalités (sanitaires et autres) qui sont les leurs. Une preuve? L’absence de débat sur la pertinence des 13 grandes régions redécoupées en 2015, alors que cet échelon territorial englobant des entités qui n’ont pas grand-chose à voir (le Grand Est rattache l’Alsace aux Ardennes; Auvergne-Rhône-Alpes va de Clermont-Ferrand à la frontière suisse) n’a pas fait ses preuves, sans rapporter les économies d’échelle promises. Autre illustration: le retour en force des départements – il était en 2015 question de les abandonner – dont la délimitation reste ancrée dans le maillage territorial français et dans la perception des citoyens. Au lieu de cela, par contre, chaque soubresaut du Rassemblement national est scruté à la loupe…

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Le pire est la coïncidence du calendrier: alors que la campagne électorale officielle était lancée le 30 mai, le président français entamait, dans le très beau village de Saint-Cirq-Lapopie (Lot), une tournée du pays supposée lui permettre d’en prendre à nouveau le pouls. Les régions? Emmanuel Macron n’en a guère parlé. De quoi alimenter la colère et le vote protestataire chez les électeurs français, convaincus que ces échelons intermédiaires responsables entre autres des transports, des lycées et des aides aux entreprises – mais ligotés par l’Etat central dans bien des domaines – restent des alibis. Puisque, au bout du compte, tout remonte vers Paris.