Après bien des atermoiements, des gesticulations et des volte-face, Elon Musk est passé à l’acte. Il faudra dès ce samedi s’acquitter d’une dîme de 8 dollars par mois pour bénéficier d’un compte certifié sur Twitter.

La mesure qui vise à générer de nouveaux revenus promet de faire couler encore bien du fiel, tant les modalités d’authentification des abonnés payants sont obscures. Ce nouvel abonnement présage surtout la création d’un réseau social à deux vitesses, puisque les utilisateurs qui n’accepteront pas de sortir leur carte de crédit perdront en visibilité et crouleront sous les publicités.

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Quoi de plus normal que de payer pour un service qu’on consomme? C’est dans la réponse à cette interrogation naïve que réside toute l’ambiguïté du modèle d’affaires des Facebook, Twitter et autres TikTok. Ce n’est pas seulement en s’appuyant sur le caractère révolutionnaire de leur plateforme de discussion qu’ils ont conquis les foules, mais surtout en les accueillant à bras ouverts, gratuitement, monnayant au passage leurs données personnelles.

Sans concurrence, pas de marché efficient

La méthode est vieille comme le monde. Stimulée par des investisseurs très patients, elle a bien fonctionné pour les géants de la nouvelle économie qui ont berné des gouvernements et des régulateurs peu rompus à leurs innovations. Plus clairvoyants, ceux-ci n’auraient ainsi jamais toléré les rachats d’Instagram et de WhatsApp par Facebook, des transactions qui ont renforcé un oligopole problématique.

En édifiant des barrières infranchissables pour de nouveaux venus, c’est la concurrence, clé de voûte de l’économie libérale, que les GAFAM ont assassinée. Dans un marché fluide, les mécontents de Twitter changeraient tout simplement de crémerie. Aujourd’hui, il ne leur reste qu’à aller gazouiller – plus précisément «pouéter» selon le jargon de ce réseau – sur Mastodon et ses quelque 7 millions d’utilisateurs (contre 450 millions pour Twitter). A trop tirer sur la corde, Elon Musk et Mark Zuckerberg finiront peut-être enfin par faire émerger des adversaires dignes de ce nom. C’est en tout cas tout le bien que l’on peut souhaiter à l’économie de marché, pour ne pas dire à l’humanité.