Genève internationale: le besoin d’ambition
A l’heure de la pandémie de Covid-19 et de la crise de liquidités des Nations unies, la Genève internationale traverse une passe difficile. Mais ses interrogations doivent la pousser à anticiper pour se rendre indispensable au-delà des bons offices par une réflexion profonde sur la gouvernance mondiale de demain

La Genève internationale n’est pas un long fleuve tranquille. Elle fait aujourd’hui face à une double crise: la crise sanitaire provoquée par le Covid-19 et la crise aiguë de liquidités des Nations unies, qui affichent un trou budgétaire de 5,1 milliards de dollars en raison de l’indiscipline d’une trentaine d’Etats qui n’ont pas encore payé leur dû. La conjugaison de ces deux forces centrifuges est un vrai danger.
L’un des atouts de Genève, c’est son écosystème unique constitué d’organisations internationales (OI), d’ONG, d’une expertise académique de premier plan et d’un secteur privé prêt à investir dans un monde plus durable. La pandémie en a montré sa pertinence au monde entier, faisant de la ville lémanique le centre planétaire de la santé globale avec des organisations comme l’OMS, Gavi, l’Alliance du vaccin et une recherche académique de pointe.
Mais la richesse de cet écosystème est aussi sa vulnérabilité. La fragilisation de l’ONU, sous les coups de boutoir des unilatéralistes, peut se répercuter sur l’impressionnant réseau d’ONG qui se sont installées au bout du Léman. La Genève internationale, qui doit encore sensiblement améliorer son aptitude à faire travailler ensemble tous ses acteurs, n’est forte qu’unie. La crise de liquidités de l’ONU, qui pourrait devenir une vraie crise budgétaire, est susceptible de pousser l’organisation à délocaliser des pans de l’activité onusienne genevoise dans des pays moins chers que la Suisse.
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Quelles que soient les difficultés que pourraient connaître les Nations unies dans les années à venir, le multilatéralisme va souffrir, mais il continuera à être la seule voie possible de l’humanité pour tenter de résoudre les problèmes colossaux qui pointent à l’horizon. En premier lieu, le changement climatique, la migration et la transformation du travail. C’est là que Genève doit se positionner.
Mais elle doit le faire non pas avec la mentalité de celle qui se contente d’offrir à la communauté internationale ses bons offices, mais avec la volonté de créer de nouveaux modes de gouvernance. Cela ne passe pas nécessairement par la multiplication des hubs, qui semblent ajouter une nouvelle fragmentation à un ensemble qui devrait au contraire abattre les cloisons.
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A l’heure du Covid-19, Genève a une chance unique à saisir: établir le cadre technologique et normatif de la future diplomatie multilatérale en mariant au mieux la précieuse proximité physique des acteurs de la Genève internationale et l’atout d’inclusivité que représentent les conférences virtuelles et hybrides. Ce nouveau narratif ne doit pas être que déclamatoire. Il doit être accompagné de substance afin de faire de Genève un think tank planétaire respecté.