ÉDITORIAL. Américains et Russes n’ont pas les mêmes attentes face à la rencontre entre Joe Biden et Vladimir Poutine. Washington veut restaurer une certaine prévisibilité alors que Moscou entend mettre en scène son statut de grande puissance

La trépidation sur les bords du Léman avant le sommet de mercredi est palpable. A l’effervescence des préparatifs s’ajoutent les spéculations quant à d’éventuelles percées diplomatiques, notamment sur le contrôle des armements. Mais cela ne saurait occulter un point fondamental: Joe Biden et Vladimir Poutine ne viennent pas à Genève pour les mêmes raisons.
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La Russie veut saisir l’occasion de cette rencontre bilatérale pour réaffirmer son statut de grande puissance. Ce but est d’ores et déjà atteint: les photos des deux dirigeants, devisant d’égal à égal sous le soleil genevois, entreront dans les livres d’histoire sitôt publiées. Cet objectif immédiat contraste avec celui poursuivi par les Etats-Unis: accaparés par leur rivalité grandissante avec la Chine, ils souhaitent restaurer un semblant de prévisibilité dans leur relation avec Moscou. Si le succès de la démarche ne pourra être mesuré qu’à moyen terme, un facteur essentiel permet d’en douter.
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Depuis près d’une dizaine d’années, c’est en se montrant imprévisible que la Russie a pu jouer des coudes dans l’arène internationale. Puissance nucléaire certes, mais à l’économie fragile et peu diversifiée, elle s’ingénie à repérer les failles de ses adversaires pour s’y engouffrer: ingérences électorales, désinformation distillée par ses trolls et amplifiée par ses médias, assassinats – ou tentatives d’assassinat – d’opposants jusqu’en Europe, interventions militaires sous couverture. Et face aux récriminations, elle recourt à la parade du relativisme: «Nous ne sommes pas les seuls méchants, alors à quoi bon nous pointer du doigt?»
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Moscou détient ainsi un avantage considérable en étant l’élément instable d’un système international dont le principal architecte – Washington – cherche à maintenir la stabilité qui lui a tant bénéficié depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La présidence Trump, trop impulsive, trop imprévisible, s’est certes révélée moins commode que prévu pour la Russie. Mais Joe Biden et son respect autoproclamé des règles permettent à Moscou de fixer à nouveau le prix de son consentement.
C’est pourquoi Vladimir Poutine arrive à Genève en position de force. La confirmation du statu quo lui suffira pour être proclamé vainqueur. C’est aussi pour cette raison que la Maison-Blanche indique qu’il n’y aura pas de conférence de presse commune entre les deux dirigeants. Joe Biden sait que tout espace supplémentaire accordé à son homologue jouera, mercredi, en faveur de ce dernier.
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