La réécriture d'une charte cantonale est confrontée à un double paradoxe. D'abord, on prétend marquer une nouvelle ère, alors qu'au fond rien n'a changé. Les constituants genevois seront tentés de refaire le monde. Ils se battront sur des symboles, des tabous idéologiques, des catalogues de droits sans portée réelle. On rira d'eux à l'occasion. Mais quelle serait la valeur d'un tel chantier s'il n'était pas porté par une ambition généreuse et universelle? Faudra-t-il du rêve? Sans doute, mais surtout la créativité permettant de trouver de bonnes réponses à des problèmes réels. Comme, pour ne citer qu'un seul exemple, la coexistence de trop de pouvoirs sur un si petit territoire. Croire que l'élan constituant suffira à faire tomber les clivages ordinaires de la politique est illusoire. Mais le fait de tout mettre sur la table permet incontestablement de prendre de la hauteur de vue et de faire œuvre constructrice.
Autre paradoxe: on se livre à un exercice par définition purement cantonal, tout en sachant que ce cadre est devenu trop étroit pour traiter les problèmes lancinants d'une région qui s'étend sur deux pays et plusieurs cantons. Pour autant, il ne sera pas vain si les constituants genevois ne perdent jamais de vue cette dimension. Si, au-delà de leur charte cantonale, ils œuvrent dans leur réflexion à ce futur élargi. C'est dire à quel point le génie genevois sera mis à contribution et observé dans les années qui viennent. öPage3