Ce devait être l’heure du triomphe, ce fut celle des règlements de compte. Une heure après avoir été réélu pour quatre ans à la présidence de la FIFA, par acclamation et sans adversaire, Gianni Infantino revint dans la salle de la BK Arena de Kigali lors d’une conférence de presse où il inversa les rôles pour poser, lui, les questions. «Pourquoi vous ne m’aimez pas? Pourquoi me critiquez-vous autant? Pourquoi ramenez-vous tout ce que je fais à l’argent?» L’exercice était purement rhétorique. Gianni Infantino n’attendait pas vraiment de réponses.

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Ainsi va le dirigeant sportif le plus puissant du monde, qui se flatte d’être invité au G20 mais ne supporte pas d’être égratigné par une poignée de médias – les plus prestigieux, certes. Ses critiques ne sont pas toutes infondées, mais son narcissisme et ses analogies scabreuses (hier encore, un parallèle entre un coup de mou personnel et la résilience post-génocide du peuple rwandais) limitent sérieusement la capacité d’empathie. Sepp Blatter était plus roué, plus habile; Gianni Infantino, lui, n’a pas la manière. Il gère une association comme s’il s’agissait d’une multinationale, et il voudrait de l’amour?

En vérité, le président de la FIFA inquiète parce qu’il entraîne le football vers le gigantisme, sans beaucoup de recul ni de possibilité de faire marche arrière. Il déçoit parce qu’il n’agit que contraint sur les questions de bonne gouvernance, d’égalité, de racisme. Il prône la transparence mais décide seul, veut unir mais méprise les parties prenantes (associations de joueurs, clubs, ligues, supporters). Il vante la confiance revenue mais traîne toujours une procédure ouverte en 2020 pour «incitation à l’abus d’autorité», à la «violation du secret de fonction» et à «l’entrave à l’action pénale».

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Parler à tout le monde est une chose quand on préside au destin de 211 fédérations, s’exhiber complaisamment aux côtés des pires autocrates de la planète en est une autre. Aussi noble soit la tâche de développer le football, tous les moyens ne sont pas bons pour y parvenir.


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