Grèce et Turquie, trajectoire miroir
ÉDITORIAL. Des deux côtés de la mer Egée, des élections s’entremêlent. Malgré les épreuves qui ont fragilisé le pouvoir en place, Mitsotakis remporte une franche victoire en Grèce. Erdogan est, lui, donné gagnant du second tour en Turquie

Parmi les rivalités historiques, certaines semblent immuables. «Ennemies héréditaires», Turquie et Grèce se regardent en chiens de faïence alors que leurs trajectoires se croisent ou se confondent, émaillées de tensions. Cette année, un symbole de plus: d’un côté et de l’autre de la mer Egée, les élections les plus importantes depuis des années s’entremêlent. Et, sur une rive comme sur l’autre, les gagnants des urnes ont fait mentir les sondages: peu auraient eu l’audace de miser sur une victoire aussi franche de Kyriakos Mitsotakis. Recep Tayyip Erdogan, lui, semble désormais bien parti pour rester.
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Dans chaque pays, des catastrophes ont marqué la période préélectorale. Trois semaines après le séisme du 6 février qui a endeuillé la Turquie et semblé rebattre les cartes de la présidentielle, c’était au tour de Mitsotakis de se retrouver sous pression pour sa gestion calamiteuse d’une collision frontale entre deux trains et la mort de 57 personnes. On lui reproche une dérive autoritaire à l’instar de son adversaire turc. Ecoutes illégales, dégradation de l’Etat de droit, violences policières, procédures bâillons: au début du mois, la Grèce se retrouvait 107e du classement de RSF, soit le dernier pays européen avant la Biélorussie et la Russie. Côté économique, le gouvernement ne convaincra personne que la vie s’y est améliorée: l’inflation frôle les 10% dans un pays où les salaires restent particulièrement bas depuis la crise de la dernière décennie.
Deux «hommes forts»
Erdogan et Mitsotakis, deux «hommes forts» qui ont su profiter d’une opposition fragmentée ou en manque de crédibilité avec, dans l’ombre, une éternelle obsession sécuritaire. «Terroristes» en tout genre pour Erdogan, «invasion de migrants» pour Mitsotakis. Qu'elle soit intérieure, extérieure ou imaginaire, la menace renforce le pouvoir en place. Surtout quand elle vient du voisin: avant le séisme, la relation orageuse entre Erdogan et Mitsotakis avait ravivé les passes d’armes en mer Egée. Des contentieux historiques mais grandement influencés par le calendrier politique des deux hommes en campagne. Après tout, quoi de mieux que de s’affronter pour mieux régner? Alors que les relations semblent s’être apaisées, à Athènes, on en vient presque à espérer une victoire du maître d’Ankara, «celle d’un vieux diable que l’on connaît déjà», écrivait le quotidien To Vima.
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Cent ans après la signature du Traité de Lausanne, les deux pays connaissent une trajectoire en miroir. La victoire des armées kémalistes sur la Grèce avait fondé la Turquie moderne. Des célébrations sont attendues à l’automne. En Grèce, c’est la «grande catastrophe» qu’on commémore.
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