Il y a soixante ans ce matin, le canton de Vaud accordait le droit à «ses dames» de se rendre aux urnes. C’était une première suisse. Personne ne se demandait alors s’il s’agissait d’un droit de vote pour suffragettes de gauche ou de droite. L’égalité, cette bataille sans cesse continuée, devrait être l’un de ces thèmes qui dépassent l’hémiplégie des clivages idéologiques. En ce 1er février 2019, l’anniversaire résonne ainsi avec l’appel d’autres femmes, celles qui ont pris le relais, et qui mettent en place l’idée d’une grève nationale des femmes le 14 juin prochain. C’est un événement fort, dont la portée est réelle autant que symbolique. Le Temps, qui a fait l’année dernière de l’égalité l’une de ses causes, en sera, et échelonnera ces prochains mois des sujets nourrissant les réflexions autour des revendications des grévistes.

Il y a en effet quelque chose de lancinant à devoir rappeler que les droits des femmes demeurent fragiles, à conquérir encore et à défendre, toujours. Partout dans le monde, même ici en Europe, ils sont menacés par la montée des extrémismes. En Suisse, ce chantier n’est pas près de se terminer, le dernier rapport de l’Office fédéral de la statistique relevait encore un écart de 19,6% entre un salaire masculin et féminin dans le privé.

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Pourtant, au sujet de l’événement du 14 juin, des voix de femmes dissidentes se font déjà entendre. Le manifeste des grévistes entre inégalités, sexisme et violences à l’encontre des femmes dénonce l’économie capitaliste et la logique marchande de la société. Les féministes du camp bourgeois sont partagées, ne se reconnaissent guère dans le mouvement, se demandant s’il convient de s’y associer. C’est sans doute, certes, historiquement un peu de leur faute. Observatrices plus que militantes, elles n’ont pas toujours été en pointe sur ces thématiques, les laissant souvent à la gauche. Mais cela autorise-t-il les socialistes et leurs alliés à faire de cette grève des femmes une sorte de chasse gardée, avec le risque de transformer cette journée en un entre-soi électoraliste? Car il n’échappe à personne qu’au 14 juin succédera l’automne des élections fédérales, et que derrière ce rassemblement se cache aussi une opération de marketing politique.

C’est ridicule, au vu de l’enjeu. Certaines questions sont trop importantes pour être le fonds de commerce de la gauche. On ne saurait ainsi que conseiller aux femmes de droite de ne pas lâcher l’affaire, de s’imposer, de venir dire en juin leur différence mais aussi leurs revendications. De même, à gauche, ce serait faire blessure à ce beau combat que de ne pas l’imaginer rassembleur, accueillant au-delà des clichés, des partis, et des genres.

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