Corollaire de ce constat, le conflit planétaire, que certains experts évoquent comme existant de fait, et que d’autres réfutent précisément parce que les combats se déroulent factuellement entre deux belligérants, n’est plus impossible. Qu’elle advienne par accident ou à la suite de l’escalade à laquelle nous assistons, cette troisième guerre mondiale n’est aujourd’hui plus exclue.
Un regard ethnocentré
D’ailleurs, le système multilatéral, lui aussi fruit des champs de bataille, ne sert plus à rien. Une affirmation volontairement caricaturale, mais dont il est difficile de nier une part de réalisme. Car à quoi servent l’ONU et ses satellites si déclarations et résolutions n’induisent aucun changement? Que dire du sens du «Grand Machin» de De Gaulle s’il ne peut que constater le carnage et panser quelques-unes des plaies?
De cette interrogation naît la suivante: qui sont les puissances en 2023? Le Vieux-Continent s’est-il assez intéressé au monde non occidental à la sortie de la guerre froide? Les déclarations chinoises sont suivies comme le lait sur le feu, et toutes les capitales occidentales savent que l’axe russo-chinois s’avère déterminant. Les positions de la plupart des pays africains ou de l’Inde face à ce conflit montrent que notre regard ethnocentré est insuffisant pour aborder la suite.
Dans ce contexte, la place et le rôle de la Suisse, dont le président, Alain Berset, a encore rappelé il y a deux jours la particularité, sont eux aussi bien vacillants. La Suisse, dont la neutralité «perpétuelle» a été décrétée en 1815 au Congrès de Vienne, ne sera peut-être plus neutre demain, ou alors le sera encore, mais avec quels soutiens et au sein de quelle alliance?
La guerre en Ukraine fait bouger les fronts. Le monde de 2023 s’appréhende avec d’autres clés. Tant de convictions sont à jeter.
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