L'ouvrage circule
D’abord parce que Mein Kampf, tombé dans le domaine public en 2016, circule encore largement sans contextualisation pertinente. Pendant que s’achètent, de brocantes en clubs de lecture, de vieilles éditions françaises de 1934 en toute légalité, sa circulation en quelques coups de pouce sur écran tactile n’a d’égale que celle des plus dangereuses théories complotistes, à l’heure où les groupuscules néonazis gagnent en influence.
Ensuite, elle est salutaire par sa densité livresque, vecteur de profondeur dans un monde plus pressé que jamais de parvenir à des conclusions. La nouvelle traduction s’attelle à «démythifier» un texte répulsif et plein de pièges, qui tirait jusque-là profit de précédents lissages. L’annotation critique ainsi que l’analyse historique qui encadrent comme des vigies le propos d’Hitler permettent de saisir les enjeux, pointant du doigt incohérences et mensonges. Entre les lignes, un rappel qui sonne comme un avertissement: seul le savoir peut et pourra faire rempart aux raccourcis les plus funestes.
Donner un cadre
Enfin, cette initiative s’inscrit intelligemment dans les questionnements de l’époque. Quand celle-ci est tentée d’effacer, de faire tomber, voire d’oublier au lieu de contextualiser, les experts du nazisme nous rappellent à toutes et à tous notre responsabilité: le devoir de mémoire. Des salles d’exposition aux catalogues de maisons d’édition, le mot résonne: «historiciser». «Donner un caractère historique» aux événements, pour mieux les dénoncer, justement. «Le passé n’est jamais totalement derrière nous», peut-on lire dans l’introduction du livre. Rarement, sur le fond comme sur la forme, un livre d’histoire aura été si contemporain.
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