Indigne d'un des meilleurs systèmes de santé du monde
ÉDITORIAL. Avoir recours à la charité pour financer son traitement – comme il arrive à toujours plus de malades de devoir le faire faute d’un remboursement – n’est pas digne de notre système de santé, reconnu comme l’un des meilleurs du monde. Un débat de société sur le prix de la vie doit s’ouvrir

Ce sont des actions qui commencent à se multiplier, notamment sur les réseaux sociaux. Les patients atteints d’un cancer ou souffrant d’une maladie rare recourent, en désespoir de cause, à une campagne de financement participatif lorsque leur caisse maladie refuse de rembourser le traitement pourtant prescrit par leur médecin.
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Le phénomène n’est pas nouveau, mais il s’amplifie. L’an dernier, une Zurichoise de 31 ans, Bettina Rimensberger, avait ému toute la Suisse et engrangé quelque 600 000 francs pour soigner son amyotrophie spinale, une maladie dégénérative rare qui touche une centaine de personnes en Suisse. Dans le cas de la réalisatrice genevoise Anne Deluz, qui estime que ce genre d’action constitue «le combat de trop» pour elle, ce sont ses amis de la Société suisse des auteurs qui ont lancé une récolte de dons.
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Même le directeur de l’Office fédéral de la santé publique, Pascal Strupler, le concède: «Il est inacceptable que des personnes gravement atteintes dans leur santé doivent recourir à la charité pour accéder à leur traitement.» En fait, toutes ces campagnes de financement sont indignes du système de santé suisse. Celui-ci a beau être l’un des plus performants du monde, selon la très crédible revue scientifique The Lancet, on se dirige tout droit vers une médecine à deux vitesses. Seule une minorité de personnes auront accès aux traitements innovants.
C’est un grand débat de société qui s’ouvre. Il pose la question du prix d’une vie. Dans un arrêt datant de 2012, le Tribunal fédéral a tenté d’y répondre, estimant qu’il fallait bien fixer un plafond, situé là où l’inadéquation entre le coût du traitement et le bénéfice attendu devient crasse.
Dans la jungle actuelle des médicaments chers, il est tentant de désigner des boucs émissaires, que ce soient les assureurs qui disposent d’un pouvoir de vie ou de mort, ou l’industrie pharmaceutique accusée d’avoir perdu son éthique en s’offrant des marges «exorbitantes». S’ils veulent faire taire leurs – nombreux – détracteurs, les premiers devront fixer des règles du jeu claires évitant l’arbitraire et la seconde s’astreindre à un grand exercice de transparence.
Forum Santé
La santé est l’un des principaux sujets de préoccupation des Suisses. A l’heure de l’annonce des primes maladie, «Le Temps» et «l’Illustré» organisent un grand forum pour en débattre.
Le 26 septembre, de 16h à 19h30, à l'Amphimax, Université de Lausanne.
Inscription et programme: www.letemps.ch/forumsante