Les Jeux fastes de la crise
Avec Pékin 2008 et les Jeux de la toute-puissance, on pensait avoir atteint les sommets en termes de faste. Avec Londres, la facture explose
Les 30es Jeux d’été s’ouvriront ce soir dans la magnificence. L’euphorie planétaire suscitée par l’événement sportif le plus rassembleur ne doit pas occulter des réalités plus terre à terre. Depuis plusieurs années, le Comité international olympique (CIO) prône le raisonnable et la maîtrise des coûts, arguant privilégier les villes aux dossiers les mieux ficelés d’un point de vue comptable. Or la vérité, c’est que, tous les quatre ans, on gravit un échelon dans l’escalade financière, dans la surenchère olympique. La faute à un monde aux prises avec des menaces terroristes générant une paranoïa sécuritaire rampante. La faute à l’inflation médiatique et à une sophistication technologique croissante. La faute surtout à une sous-estimation récurrente des dépenses et à une gourmandise irrépressible des comités d’organisation, séduits par les sirènes de la splendeur, désireux de faire mieux et plus grand que les prédécesseurs.
Avec Pékin 2008 et les Jeux de la toute-puissance, on pensait avoir atteint les sommets en termes de faste, et qu’on s’acheminait vers un événement à taille plus humaine. Pas sûr. Avec Londres 2012, on découvre des Jeux de l’opulence en pleine crise d’austérité avec des cérémonies d’ouverture 1,5 fois plus chères que prévu. Même si le CIO reconnaît le caractère parfois fictif des dossiers de candidature, rarement un budget prévisionnel n’avait fait un tel grand écart avec la réalité. Il a presque triplé, passant de 4,3 à 11,8 milliards d’euros. Et les retombées économiques annoncées sont loin d’être assurées. Entre-temps, la crise est passée par-là. Au point de pousser la secrétaire d’Etat aux Jeux olympiques sous Blair à avouer en novembre 2008 que le gouvernement ne se serait peut-être pas lancé dans l’aventure s’il avait eu vent de la dégradation à venir.
Le président Jacques Rogge insiste sur la notion d’héritage, désormais essentielle à l’organisation d’une manifestation appelée à répondre à des critères de durabilité. Londres aurait ancré ce concept dans sa planification et alloué à cet objectif 75 cents pour chaque livre dépensée dans les infrastructures. Sebastian Coe, président du comité d’organisation, et son équipe ont assuré que le quartier du Parc olympique était promis à un avenir fait d’emplois, de logements, d’écoles et de loisirs. Pas certain que cela aide les contribuables à avaler l’amère pilule financière. Et qu’en pensent les Grecs qui, contrairement aux Espagnols et aux Australiens, n’ont pas su faire fructifier l’héritage?